Garrigues, terres d'échanges
Le maillage des routes et chemins
Auteur : Manuel Ibanez
Date : novembre 2013
Le territoire des garrigues ne constitue pas un simple arrière-pays mis à l’écart des voies d’échanges et de communication des plaines littorales languedociennes. Il constitue et a constitué un espace d’échanges matériels et immatériels illustrés ici par trois regards : les chemins au cours de l’histoire,
la religion et la langue.
Le territoire des garrigues a de tout temps été situé au cœur de l’important maillage de chemins et voies de communication du Bas-Languedoc particulièrement bien étudié par l’écrivain et historien Pierre-Albert Clément.
Depuis les temps ancestraux ont perduré les chemins de transhumance par lesquels les troupeaux allaient et revenaient des terres d’estives situées sur les Causses, Cévennes et montagnes lozériennes. De même, les routes du sel, permettant le transport de ce précieux produit des étangs littoraux vers l’arrière-pays, ont été empruntées pendant plus de 25 siècles. L’époque gallo-romaine a vu le développement d’un riche réseau de communication témoignant
du rayonnement de la région à cette époque. Ces routes ont pour la plupart continué à être utilisées et entretenues pendant de nombreux siècles, contrôlées au Moyen Âge par un maillage de prieurés et abbayes bénédictines. Plus récemment au XIX e siècle, ont été construites les voies de chemin de fer accompagnant un nouveau modèle économique régional (transport du charbon des mines d’Alès, développement de la monoculture viticole). Enfin, l’époque actuelle est marquée notamment par la construction d’autoroutes, de voies rapides reprenant des tracés anciens avec une nouvelle appréhension des temps de trajets.
Chemins moutonniers et routes du sel
Le phénomène de transhumance, appelé aussi l’estivadura, prend ses racines dans un passé lointain (Néolithique). Les très nombreux troupeaux du Bas-Languedoc et surtout ceux des garrigues montaient vers le mois de juin dans les montagnes (grands Causses, Aigoual, Cévennes, Lozère, Margeride, Tanargue) le long de chemins appelés drailles *. Ces dernières irriguaient le territoire et se rejoignaient sur les piémonts cévenols formant de grandes collectrices empruntant crêtes et cols pour atteindre les différents lieux d’estive. Cette migration pastorale entre garrigues et montagnes a de tous temps été facteur de liens et d’échanges entre les gens du bas pays et les gavachs *. Traditions orales, savoir-faire, pratiques pastorales, vocabulaire, etc., ont ainsi
transité. Le berger était le passeur. Mais entre itinérants et sédentaires riverains les relations étaient souvent conflictuelles (rétrécissement et appropriation des drailles, plaintes contre les dégâts des troupeaux...). Ce phénomène de transhumance a également favorisé l’inter- connaissance des éleveurs de part et d’autre du territoire se retrouvant sur les drailles et les lieux d’estive.
De même, les routes du sel ont constitué depuis le VI e ou VII e siècle av. J.-C. d’importantes voies d’échanges entre les plaines littorales et les zones des garrigues. Le sel, extrait des étangs littoraux (Aigues-Mortes, Maguelone, Vic-la- Gardiole), était très utilisé pour la conservation es aliments (viande et poisson) mais aussi pour l'alimentation des troupeaux de moutons et la conservation des peaux dans les tanneries. Depuis le littoral languedocien vers les
garrigues d’importantes quantités de plantes halophiles * notamment des salicornes (riches en carbonate de soude utilisé dans la fabrication du verre par les gentilhommes verriers) ont également été remontées.
Le réseau routier gallo-romain
En limite sud du territoire des garrigues, a été aménagée la célèbre voie Domitienne sur le tracé probable d’une route plus ancienne appelée voie Hérakléenne. Des points de repère tels que la Tour Magne à Nîmes ou le Pic Saint-Loup ont pu servir comme ligne de mire pour son tracé particulièrement rectiligne. L’itinéraire de la voie Domitienne reliant l’Italie à l’Espagne a été très vite considéré comme stratégique par l’Empire Romain. Axe de communication majeur, elle a permis un développement économique important de la région irriguant l’arrière-pays par des routes secondaires telles que la pénétrante Castelnau- Alès.
Le peuple celte des Volques arécomiques présents avant l’arrivée des Romains avait également développé un important réseau en étoile de chemins charretiers autour de leur capitale Nemausus (Nîmes). On a donné à ces voies le nom des peuples avec lesquels elles permettaient de communiquer : route des Voconces, des Helviens, des Arvernes, des Gabales, des Rutènes. S’y ajoute également la route de la Vieille-Toulouse qui reliait Nîmes à Toulouse, capitale des Volques tectosages.
Les Romains ont entretenu et amélioré ce réseau routier avec d’importants aménagements comme le Pont de Sommières long de 17 arches qui permettait d’enjamber le capricieux Vidourle. Ainsi, la partie orientale du territoire des garrigues s’est retrouvée alors au cœur d’un riche maillage de voies de communication favorisant notamment les échanges commerciaux. Ce réseau a été utilisé et conservé pendant de nombreux siècles, certains tracés correspondant à nos routes actuelles
Le contrôle des voies d’échange par les abbayes
Tout au long du Moyen Âge, les axes de communication furent nombreux, s’appuyant pour certains sur les tracés anciens. L’important maillage d’abbayes bénédictines et de prieurés sur le territoire formait un réseau complexe d’échanges. Routes et chemins étaient alors contrôlés par ces communautés religieuses situées à des nœuds stratégiques.
L’un des quatre principaux chemins de pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle traverse d'est en ouest, le territoire des garrigues : c'est le chemin d’Arles passant par Saint-Gilles et Saint-Guilhem-le-Désert.
D'autres chemins commerciaux ont eu une grande importance au Moyen Âge, comme la Régordane, qui reliait Saint-Gilles au Puy-en-Velay, coupant le territoire du sud au nord.
Le développement des voies ferrées
Au XIX e siècle, l’arrivée d’un nouveau mode de déplacement, le train, va profondément modifier les échanges. Le territoire des garrigues va être concerné par ces changements. En 1839 est ouverte la voie Montpellier - Sète, en 1840 La Grand-Combe - Alès - Nîmes - Beaucaire et 1845 Nîmes - Montpellier. Ces lignes sont d’abord destinées au transport industriel et minier vers les ports de Beaucaire et de Sète. Viennent ensuite les voies à vocation viticole qui vont quadriller le territoire. Les échanges commerciaux à l’échelle nationale vont alors s’accélérer. Mais après 1930, les transports routiers vont être privilégiés ce qui va entraîner l’abandon de la plupart des lignes des garrigues.
Les déplacements actuels domicile-travail
L’axe d’échange est-ouest situé au sud du territoire des garrigues va se conforter avec la construction à la fin des années 1960 de l’auto- route A9 concomitante avec les vastes opérations d’aménagement touristique du littoral languedocien. Dans les années 1990 à 2000 va être mise en place l’A750 qui relie Montpellier à l’autoroute A75 montant vers Clermont- Ferrand.
Mais c’est aujourd’hui essentiellement pour les déplacements quotidiens domicile/travail que sont utilisés les axes pénétrants dans le territoire des garrigues. Ces déplacements sont principalement routiers et amènent à d’importants aménagements tels que la mise en deux fois deux voies de la nationale 106
entre Alès et Nîmes ou la création du LIEN, contournement de Montpellier par le nord. Mais la place du train semble de nouveau prendre de l’importance comme le montrent par exemple les projets de développement prévus sur les communes autour des gares intermédiaires sur la ligne TER (Transport Express Régional) Nîmes-Alès.
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