Les mares, oasis en garrigue
Auteur : Philippe Geniez, Marion Bottolier-Curtet, Serge D. Muller
Date : novembre 2013
Les garrigues abritent un grand nombre de mares localement appelées “lavognes”. Elles constituent un habitat * très original qui n’est pas sans rappeler une oasis dans le désert. Cette abondance est surprenante sur ce territoire calcaire où les sols sont peu propices à retenir l’eau en surface. Elle est essentiellement due à l’action de l’homme qui, depuis le Néolithique, crée et entretient ces milieux comme points d’eau pour les troupeaux.
La juxtaposition de deux habitats fort contrastés favorise la présence d’espèces particulières, dépendantes à la fois du milieu terrestre et du milieu aquatique
pour se développer. C’est notamment le cas d’un grand nombre d’insectes et d’amphibiens dont la vie larvaire s’effectue seulement en milieu aquatique et la vie adulte en milieu terrestre. Ainsi, les espèces animales vivant autour d'une mare sont bien plus nombreuses que dans les autres biotopes * de la garrigue.
Les mares sont des milieux qui présentent souvent, du centre vers la périphérie, trois ceintures de végétation (aquatique, amphibie et terrestre). Une autre particularité est leur caractère permanent ou temporaire ; une mare permanente permet l’implantation d’espèces franchement aquatiques (poissons, grenouilles vertes, myriophylles), alors qu’une mare temporaire (asséchée pendant quelques semaines à quelques mois de l’année) limite fortement la présence de ces espèces aquatiques et favorise des espèces peu compétitives.
Les mares complètement temporaires, favorisent le développement d’espèces très adaptées comme les rares Salicaires à trois bractées (Lythrum tribracteatum) et Triops cancriforme (Triops cancriformis). Ces organismes ont la particularité de boucler leur cycle de développement durant la saison de mise en eau (printemps) et de survivre à l’assèchement sous forme de graines ou d’oeufs de résistance.
L’ancienneté et l’hétérogénéité spatiale des mares expliquent leur grande richesse floristique et faunistique. Leur abondance régionale permet en outre le maintien de populations importantes de nombreuses espèces rares, dont la plupart sont inféodées à ces milieux en fort déclin dans toute la région méditerranéenne : c’est notamment le cas de la Gratiole (Gratiola officinalis), de la Menthe des cerfs (Mentha cervina), du Pélobate cultripède (Pelobates
cultripes) et de l’Agrion nain (Ischnura pumilio).
Mais à chaque avantage, son revers : la mare, milieu extrêmement riche, est aussi un habitat très fragile, constamment menacé par les activités humaines (combler définitivement une mare ne prend que quelques heures avec un outillage approprié). Elle doit à ce titre faire l’objet d’une attention toute particulière.
De plus, 40 % des mares connues dans la région Languedoc-Roussillon sont concernées par l’introduction d’espèces envahissantes. L’introduction de poissons dans une mare suffit à faire disparaître la grande majorité de la faune (amphibiens, branchiopodes, insectes…) en un ou deux ans ! Celle de plantes exogènes, comme la Lentille d’eau minuscule d’origine américaine, peut entraîner des modifications majeures des conditions de lumière et d’oxygénation préjudiciables à l’ensemble de l’écosystème *.
Enfin, la fermeture des espaces ouverts de la garrigue constitue une menace pour cet habitat. Outre les modifications que cela entraîne sur la mare proprement dite (ombrage), l’embroussaillement des abords est préjudiciable à la plupart des plantes herbacées qui ne peuvent vivre sans lumière et sans eau libre, et à celle des libellules et des amphibiens qui ont besoin d'espaces dégagés pour se nourrir et se déplacer. Le maintien d’un pâturage extensif apparaît ainsi nécessaire pour la conservation des communautés végétales et animales des mares des garrigues.
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