- Le terme condamina désigne, selon L. Alibert (p. 237), un "champ franc de redevance seigneuriale, Arch. ; champ du domaine seigneurial, Arch. ; terrain voisin du village (Aude) ; champ de très bonnes terres", d'étymologie latine, condominium signifiant "copropriété". Selon F.R. Hamlin, "ce terme ne semble que très rarement avoir son sens étymologique de 'terres possédées par deux ou plusieurs propriétaires' (...). Sous le régime féodal, condamina possédait généralement le sens de 'terre, proche du château, réservée au seigneur et exempte de droits' (...). Avec la Révolution, ces terres de choix ont changé de propriétaires, d'où le sens le plus répandu à l'époque moderne = 'terre particulièrement bonne et réservée comme telle dans un domaine' (Mazuc). Avec ce sens, condamina est un terme très fréquent dans la plaine (...)" (NLDH, p. 115).
- Sur la carte de l'ALL intitulée "champ" (c. 720), il est précisé que [las kundaminas] est le nom d'un lieu-dit, à Cabrières, désignant de "bonnes terres", selon les témoins.
- La majorité de nos témoins se sont vainement interrogés sur le sémantisme de ces occurrences toponymiques. Le sens de "terres fertiles" a cependant été évoqué (Agonès, T2 ; Cabrières, T3, et Saint-Just, T3), ainsi que ceux de "terres du seigneur" (Frontignan, T3 ; Lunel, T1, T2 et T3), "terre aux abords du château" (Mireval, T2 et T3) ou "près du village" (Saint-Just, T2). Certaines autres définitions découlent manifestement de la connaissance que les témoins ont du lieu et de ses caractéristiques : à Brissac, T1 a proposé le sens de "grand champ", T2 celui de "vaste espace".
A Agonès, deux tènements (non mitoyens) s'appellent Les Condamines ; l'un est situé en S°A, l'autre en S°B. Nos témoins n'ont pu attribuer de sens à ces toponymes. T2 nous a dit qu'il s'agissait de "terres très fertiles", et T3 a précisé que ces tènements correspondaient aux "meilleures terres" de la commune. Les Condamines, en S°A, se situe entre le mas de Valfleury (à l'ouest) et l'Hérault (à l'est). Les Condamines, S°B, est de même situé en bordure de l'Hérault, et à l'est de Montplaisir. Ces tènements sont donc tous deux mitoyens d'importants domaines.
A Brissac,
La Condamine désignait trois tènements différents dans le CN (S°A, S°H, S°I) ; cette concurrence homonymique a été simplifiée dans le CR qui retient les première et troisième désignations (S°AD et S°AE), La Condamine de la S°H étant rebaptisée Patus du Suc dans le Cadastre Remanié (S°AN). Les deux noms de tènements conservés par le Cadastre de 1982 ne sont distants que de 500 m, au nord de la commune, et à l'est de Coupiac.
- T1 connaît toujours la dénomination du Cadastre Napoléonien, et l'emploie encore, car ce toponyme désignait "un vaste champ, qui appartenait au patron de son grand-père", qui vivait au Suc. Comme T1 réside au Suc, il ne connaît pas les dénominations actuelles situées plus au nord, sur une partie de la commune qu'il ne fréquente pas. T3 nomme le tènement napoléonien Champ du Couronnement, et le localise en effet près du Suc. Ce tènement est situé entre Beuvières et Fours, au sud du Ruisseau des Bancs permettant de fertiliser ce lieu ; on peut y constater la présence d'habitats et de parcelles de cultures.
- T3 ne connaissant que La Condamine située à l'ouest des Caizergues (S°AD), il n'a pas besoin d'opérer une différenciation désignative avec celle de la S°AE, située à l'est de Coupiac.
- Quant à T2, il ne connaît que le tènement nommé La Condamine, situé en S°AD, proche de son domicile, dont il atteste que c'est un vaste espace complanté d'une grande vigne.
- Les autochtones simplifient donc le corpus dénominatif administratif redondant.
- Nos témoins n'ont pu attribuer de sémantisme certain à ces toponymes Condamines, mais leurs attestations relatives à la particularité du lieu ainsi désigné corroborent diverses définitions proposées.
- Le sens de "terres fertiles" est attesté à Agonès, Brissac, Cabrières, Vic-la-Gardiole, Mireval et Saint-Just.
- La situation spatiale "près d'un mas" est attestée à Brissac, Vic-la-Gardiole, Mireval, Saint-Just et Lansargues, et "près du village" à Villeneuve-lès-Maguelone (pour les 5 occurrences), Marsillargues et Saint-Just.
- Le sens moderne de "terre particulièrement bonne et réservée comme telle dans un domaine" (E. Mazuc) est peut-être "très fréquent dans la plaine" (F.R. Hamlin), mais la situation géographique des "condamines" attestées toponymiquement en zone 1, au seuil des Cévennes, correspond aussi à cette définition, les deux tènements nommés Les Condamines à Agonès étant situés près de mas importants, ainsi que pour Les Condamines et La Condamine à Brissac.
- Nos témoins n'ont pas pu attribuer non plus de sémantisme au terme condamine, "signe sorti du lexique", mais il apparaît que la conjonction entre signe onomastique et référent autorise une représentation qui induit l'attribution inconsciente d'un sens au nom propre.
Les témoins ne se doutaient pas lors de nos entretiens que leur descriptif correspondait aux différentes acceptions attribuées à ce terme, selon les époques. Le sémantisme du terme lexical est tombé dans l'oubli, mais il est pérennisé par la dénomination des lieux et la réalité référentielle qu'elle recouvre. Le processus est inconscient, mais la dénomination Condamine entraîne chez les témoins la représentation positive d'un certain type de lieu.
Prononciation occitane :
La Condamine
Sommaire