Une matinée de visite sur le terrain, et riches en échanges :
La matinée s’est déroulée sur l’exploitation agricole gérée par Pierre Grand, agriculteur à Collias. Après une présentation rapide du projet PastoGarrigues par Caroline Bascoul (Collectif des Garrigues), ainsi que des Trophées de la Réserve de Biosphère ayant permis la tenue du Rendez-Vous, par Céline Boulmier (Syndicat Mixte des Gorges du Gardon), les participants se sont présentés à leur tour.
Les échanges autour du partage d’expériences ont ensuite débuté sur la base des témoignages de plusieurs intervenants :
Intervention de SĂ©verine Fabre, Syndicat Mixte des Gorges du Gardon (SMGG) :
Le SMGG s’est particulièrement investi dans la thématique du pastoralisme en garrigues depuis 2001, et Séverine Fabre a témoigné de cette expérience. Après avoir présenté l’emprise du territoire du SMGG, elle a présenté les enjeux locaux liés au pastoralisme : fermeture des milieux, homogénéisation des paysages, perte de biodiversité, risques d’incendie élevés, coûts d’entretien de ces milieux élevés… Séverine Fabre a développé les différentes actions du SMGG à ce sujet :
- En localisant les différents éleveurs du territoire : aujourd’hui, quatre bergers sont présents sur le territoire avec le soutien du Syndicat, que peuvent pâturer 3500 brebis ;
- En présentant la démarche d’expérimentations menée sur l’ouverture des milieux et l’entretien écologique de cette ouverture par le pastoralisme ;
- En présentant la démarche de création de la bergerie à Collias, actuellement louée à Pierre Grand, afin de redévelopper une activité agricole disparue sur Collias répondant à des objectifs de gestion écologique, mais aussi pédagogiques et économiques (accueil de scolaires, relocalisation d’emplois)…
Pour en savoir plus :
SĂ©verine FABRE, SMGG
04 48 27 01 00 / s.fabre@gorgesdugardon.fr
Intervention de Pauline Bernard & Marie Doron, Conservatoire d’Espaces Naturels du Languedoc-Roussillon (CEN LR) :
Le CEN LR est ensuite intervenu afin de présenter le travail que Marie Doron a réalisé aux côtés de Pauline Bernard et Maxime Gaymard, gestionnaires de la Réserve Naturelle Régionale des Gorges du Gardon pour le CEN LR. Marie Doron a travaillé sur la Caractérisation écologique et pastorale du plateau calcaire de la Réserve Naturelle Régionale des Gorges du Gardon (1).
Ce travail est né de la volonté de gérer de manière plus ciblée et efficiente le territoire de la Réserve Naturelle, notamment pour éviter la fermeture du milieu et ce qu’elle implique, afin de limiter les dépenses liées au débroussaillage mécanique suite à des réductions de moyens financiers. La méthodologie mise en place a été adaptée de l’écodiagnostic pastoral défini dans la méthode Mil’Ouv (2), qui défend l’importance d’une approche à la fois agricole (éleveur, pastoraliste) et naturaliste. Cette approche permet :
- De zoner le territoire selon le topofaciès ;
- D’y réaliser une caractérisation biologique (taux de recouvrement, évaluation de l’état de conservation, etc), et une caractérisation pastorale (commodité du secteur, quantité et qualité des ressources pastorales, attractivité des ressources, indice de dysfonctionnement, etc).
De ce diagnostic résulte une synthèse cartographique où sont représentées les grandes zones d’enjeux sur la Réserve Naturelle ainsi que les objectifs de gestion. Cette synthèse permet de cibler les zones qui peuvent être gérées de manière concertée avec d’autres acteurs (dont les bergers/éleveurs), et est complétée par des propositions de gestion et une méthode de suivi.
Pauline Bernard et Marie Doron ont présenté ces cartes, qu’il est possible de retrouver – avec l’ensemble de la méthode et des résultats de ce travail –
dans le mémoire complet téléchargeable en cliquant sur ce lien.
(1) Ce travail a été réalisé en 2017 dans le cadre du master FAGE, en Biologie et Ecologie pour la Forêt, l’Agronomie et l’Environnement, Spécialité Fonctionnement et Gestion des Ecosystèmes, porté par AgroParisTech et l’Université de Lorraine.
(2) La méthode Mil’Ouv est issue du projet européen LIFE + Mil’Ouv. Des exemplaires des livrets techniques de la méthode Mil’Ouv ont été distribués :
ils sont téléchargeables en cliquant sur ce lien.
Pour en savoir plus :
Pauline Bernard, RĂ©serve Naturelle RĂ©gionale des Gorges du Gardon, CEN-LR
04 67 02 21 28 / pauline.bernard@cenlr.org
Intervention de Pierre Grand, Ă©leveur Ă Collias :
Pierre Grand a ensuite présenté son parcours professionnel.
Après avoir cherché à s’installer autour de Sisteron sans succès, il a su que la mairie de Collias souhaitant installer un berger. Il s’est donc présenté, et s’est installé avec le soutien de la municipalité. L’installation a été très rapide, car le projet existait depuis longtemps, et la municipalité souhaitait le concrétiser.
Dès son installation en 2002, Pierre Grand a rencontré des problèmes avec les chasseurs. Il a donc adapté son système en mettant en place des clôtures facilement franchissables et déformables. Les surfaces de garrigues étant rapidement insuffisantes pour augmenter sa production et donc son cheptel, il a trouvé des accords avec des viticulteurs sur le secteur d’Uzès afin de compléter son parcours. Egalement, durant les deux premières années de son activité, il a transhumé dans les Alpes, mais la prédation du loup l’a amené à changer sa transhumance. Il a temporairement transhumé en Lozère, puis a passé un partenariat avec l’Armée afin de pâturer les champs d’entrainement militaires, où un éleveur pâturait également. L’activité de celui-ci a cessé, et l’intégralité des terrains militaires peuvent être pâturés par Pierre Grand. Ainsi, d’après lui, la surface sur laquelle il peut mener son troupeau d’actuellement 600 bêtes (Préalpes du Sud et Mérinos) est suffisamment conséquente pour y trouver les ressources fourragères suffisantes tout au long de l’année, sans transhumer.
Les agnelages ont lieu tout au long de l’année : cette année, Pierre Grand a réduit le cheptel en raison de la sécheresse (difficultés à nourrir le troupeau, agnelages difficiles…).
Intervention de RĂ©gine MĂ©ric, agricultrice Ă Sainte-Anastasie, et son mari Jean-Denis MĂ©ric :
Régine et Jean-Denis Méric ont présenté leur système agricole, entre productions de légumineuses et céréales, le tout menée en Agriculture Biologique. Ils ont abordé avec Pierre Grand l’origine de leur accord, permettant à Pierre Grand de venir pâturer leurs champs suite aux récoltes, et ainsi de leur apporter fumure et « nettoyage » de leurs parcelles. « Voisins », le rencontre et ce partenariat informel ce sont faits naturellement : cela est encore possible sur les Gorges du Gardon, territoire rural où, bien que les activités agricoles aient fortement décliné depuis les années 70 comme partout en France, elles n’ont pas connu une rupture totale.
Les échanges entre les participants se sont poursuivis jusqu’en fin de matinée, abordant tant les dimensions techniques de la production, que la commercialisation, en passant par la gestion des relations avec les différents usagers des garrigues.
Ensuite, le groupe a pu visiter la bergerie, et a notamment échangé avec Séverine Fabre sur ses caractéristiques (configuration architecturale, matériaux…) et les objectifs pratiques et pédagogiques liés à celles-ci :
- La bergerie mesure 900m², et a coûté 420 000 euros. Elle appartient au SMGG, et a été financé avec le soutien du Département du Gard, de l’Union Européenne et du Conseil Régional. Elle est louée pour 300€/mois à Pierre Grand ;
- Comme il s’agit d’une bergerie pédagogique, plusieurs aménagements ont été réalisés dans le but de la rendre visitable et pratique :
_le couloir d’alimentation est surélevé, et permet circuler au milieu de la bergerie sans être dérangé et ni déranger les bêtes ;
_un système permet de fermer la zone de stockage (matériel agricole, foin…) afin d’empêcher que des enfants ne s’y aventurent ;
- Un studio installé au sein du bâtiment permet au berger de rester sur place le temps de l’agnelage si nécessaire ;
- La majeure partie des matériaux sont issus de productions locales (bois, pierre, etc) ;
- Les lames en bois de châtaigniers pivotantes permettent d’avoir une ventilation naturelle et l’ouverture devait être gérable manuellement (malheureusement au moment de l’installation, ses lames n’étaient pas sèches, et la rétractation du bois ne le permet pas si facilement) ;
- Le système d’épuration est écologique (phytoépuration) ;
- Le bâtiment est autonome en énergie : il est néanmoins relié au réseau électrique, au cas où il y ait un projet de développement de zone de vente directe (nécessité d’avoir des réfrigérateurs). Un projet d’installation de panneaux solaires est actuellement en réflexion.
Séverine Fabre et Emmanuelle Genevet de la Chambre Régionale d’Occitanie soulignent que les pratiques actuelles pourraient être encore améliorées, en terme de gestion écologique. Par exemple, établir un calendrier de pâturage permettrait de mieux gérer le temps passé sur les parcelles afin que les ressources ne soient pas surpâturées par endroits ; ou encore compléter le pâturage ovin avec du pâturage caprin, actuellement interdit sur le territoire, serait intéressant à réfléchir pour gérer les ressources non pâturées par les ovins.
Les participants se sont ensuite rendus à Sanilhac-Sagriès, afin de partager un repas réalisé par Le Camion d’Adeline : l’occasion de poursuivre les échanges sous un soleil de décembre radieux !