Le pari de la préservation et du développement
Auteur : Françoise Kouchner
Date : novembre 2013
Un trop-plein d'usages en garrigues ?
Promenade et randonnée, vélo et VTT, escalade et via ferrata, courses d'orientation et trails, canoë-kayak et randonnée aquatique, parapente..., le riche inventaire des loisirs de nature qui se sont développés dans le territoire des garrigues portait en germe son lot d'impacts et de conflits d'usages, dans des espaces qui ne se révélaient pas si vides que cela. Le développement des itinéraires de randonnée fut ainsi parfois accueilli sans enthousiasme au niveau local : la carte des sentiers de promenade et randonnée de l'Hérault resta d'abord bien vide autour de Montpellier, alors que la demande était forte pour des balades de proximité. Mais chasseurs et randonneurs faisaient historiquement mauvais ménage... Les VTT se sont heurtés au développement des clôtures posées par les manades dans les garrigues pour pouvoir y faire paître leurs taureaux et chevaux durant l'hiver. Ces conflits ou restrictions d'usage se sont aiguisés avec l'essor des loisirs motorisés.
Parallèlement, les associations de protection de la nature et les gestionnaires d'espaces naturels ont tiré la sonnette d'alarme devant les dérangements et les impacts des pratiques. Dans les falaises du Gardon ou nord-montpelliéraine, les aires de reproduction et de repos de l'Aigle de Bonnelli étaient troublées par l'incursion de grimpeurs.
Des plans départementaux pour organiser les sites de loisirs de nature.
Face à ces problématiques qui ont émergé sur tout le territoire français, le législateur a mis en place des dispositifs qui ont fait du département le principal acteur de la gestion des activités de pleine nature. Une première loi leur confie en 1983 la compétence d'établir un Plan Départemental des Itinéraires de Promenade et de Randonnée (PDIPR). L'élaboration de ces programmes départementaux de randonnée permet d'aborder un ensemble de questions liées à la pratique de la randonnée et à l'aménagement des sentiers : le statut foncier et la protection des chemins, le financement des équipements et aménagements. Le caractère obligatoire du PDIPR a également pour effet d'affirmer la légitimité sociale de la randonnée pédestre. Enfin la loi institue le principe de la concertation entre les acteurs intéressés, au-delà des seules associations de randonneurs.
Cette double démarche de concertation et de programmation a fait ses preuves. Vingt ans plus tard, elle est démultipliée par la loi du 9 décembre 2004 attribuant aux départements la compétence de l'ensemble des sports de nature “Le Département favorise le développement maîtrisé des sports de nature. À cette fin, il élabore un plan départemental des espaces, sites et itinéraires relatifs aux sports de nature, le PDESI“, sur la base des travaux et proposition de la Commission départementale des Espaces, Sites et Itinéraires (CDESI). La grande caractéristique des CDESI fut là aussi de réunir autour d'une même table les institutions, le mouvement sportif, les gestionnaires d'espace et acteurs de l'environnement, les acteurs touristiques.
L'apprentissage de la concertation et de la gouvernance locale
Dix ans après l'adoption de la loi, le Gard et Hérault font partie des 23 départements (sur 100) ayant voté et mis en œuvre leurs PDESI. Ceux-ci constituent leur feuille de route stratégique et géographique pour la gestion des sites de loisirs de nature, avec des objectifs proches dans les deux départements : garantir l'accès aux sites de pratiques à un large public, préserver la qualité et l'intégrité des sites, faire des sports de nature un facteur de développement local.
Tous comprennent outre un ou deux sites majeurs d'escalade, le réseau des sentiers de promenades décrits dans les topoguides du département, et les grands itinéraires de randonnée, GR ou Réseau Vert dans l'Hérault, qui emmènent les vététistes des garrigues montpelliéraines jusqu'aux limites du département du Tarn.
Si l'Hérault a choisi d'intégrer dans son plan départemental 67 sites de pratiques répartis sur tout son territoire, le Gard a choisi d'encourager les territoires locaux à créer leur offre de loisirs de nature, sur la base d'un cahier des charges leur ouvrant le label de qualité Gard Pleine Nature. Quitte, s'il le faut, à modifier un itinéraire passant trop près du bord de falaise fréquentée par des rapaces ou d'un habitat sensible. Ces sites d'initiatives locales, alliant sentiers de randonnée et autres activités de nature, font l'objet de la collection de carto-guides des Espaces Naturels Gardois dont de nombreux titres décrivent des territoires de garrigues : “Autour de Ganges et Sumène”, “De garrigues en Costières Nîmes Métropole”, “Entre Rhône et Gardon”, “Autour du Pont du Gard”, “Autour de Quissac-Sauve”. À terme c'est la couverture de l'ensemble du département qui est visée.
Dans les deux départements, le regard des uns et des autres sur “leurs“ garrigues a changé. Toutes les collectivités locales ou groupement de communes veulent désormais leur sentier. Et une culture de la concertation plutôt que la confrontation s'est installée. Chasseurs, grimpeurs ou gestionnaires d'espaces ont appris à se parler et à partager des objectifs. Ce qui n'empêche de devoir parfois faire des choix difficiles.
Cartes et illustrations