Auteur : Michel Seranne
Date : novembre 2013

Invasion de la mer, surrections * de montagnes, glaciations, érosion... depuis 200 millions d’années, des événements géologiques successifs ont chacun laissé leur empreinte dans le paysage d'aujourd'hui.

En bordure d’un océan

Une très longue période initiale (entre –200 et –130 millions d’années) voit le dépôt de sédiments marins sur la marge de l’océan “Téthys” qui s’ouvre vers l’est, là où se formeront beaucoup plus tard les Alpes. Les organismes marins, le plus souvent microscopiques, vivant dans l’océan, cristallisent les carbonates de calcium qui à la mort de l’organisme, se déposent sur le fond. Cette “fabrique de carbonate” est plus ou moins efficace au gré des variations de profondeur de l’océan ou des changements environnementaux (température, agitation, turbidité de l’eau...). Des couches de calcaire pur et des alternances marno-calcaires (contenant une proportion variable d’argile) s’empilent ainsi pendant le Jurassique et le Crétacé inférieur. Les épaisseurs déposées augmentent depuis 2 km vers le Pic Saint-Loup, jusqu’à plus de 7 km au niveau de Bagnols-sur-Cèze.

Un karst * tropical

Vers le milieu du Crétacé (aux alentours de –110 millions d'années), une grande partie du Sud de la France subit un soulèvement d’amplitude kilométrique, permettant l’érosion et la dissolution des calcaires et marno-calcaires déposés lors de l’épisode précédent. L’amplitude de la dénudation augmente vers l’ouest, puisque presque tout le Crétacé inférieur est préservé dans les garrigues de Lussan, alors que seules les parties basales du Crétacé inférieur ont subsisté au nord de Montpellier, et qu’il a été totalement érodé plus à l'ouest. Dans la basse vallée de l'Hérault, le Jurassique supérieur a même disparu. Cette surface d’érosion exceptionnelle est soulignée par des dépôts de bauxite, une sorte de latérite * indiquant un climat tropical chaud (>25°C) et humide (>1 600 mm/ an de pluie), particulièrement efficace pour karstifier et dissoudre ces séries carbonatées.

Les Pyrénées traversent le Languedoc

Après le retour timide de la mer sur le Languedoc pendant le Crétacé supérieur, les couches calcaires qui ont été préservées, subissent compression et plissement entre –70 et –40 millions d'années En effet, au début du Tertiaire, la chaîne pyrénéo-provençale s’étend alors de Perpignan à Toulon. Des brêches* calcaires se déposent contre des failles actives (chevauchements de Montpellier et du Pic Saint-Loup). Des plis orientés est-ouest se forment de part et d’autre du Mont Bouquet. Les zones plus calmes sont occupées par des lacs où s’accumulent des boues calcaires.

La naissance de la Méditerranée occidentale

Pendant la deuxième partie du Tertiaire (–30 millions d'années), se produit un basculement des panneaux calcaires par le jeu de failles. Plusieurs bassins ainsi créés (Alès, vallée de l’Hérault, Quissac) se remplissent de sédiments argileux et marneux, imperméables, et découpent les garrigues en compartiments ; le vaste panneau calcaire au sud-est de la faille de Nîmes s’enfonce définitivement sous d’épais sédiments imperméables. Plus au sud,
l’ancienne chaîne s’effondre et disparaît sous le futur Golfe du Lion. À partir de –20 millions d'années, la mer s’étale au-delà de la côte actuelle, dans des baies (vallée de l’Hérault, Gigean, Uzès, Sommières) où se déposent des alternances de marnes et de couches de calcaires formés de débris de coquilles (pierre du Midi).

Le creusement des gorges

Entre –15 et –10 millions d'années, des mouvements dans le manteau terrestre soulèvent l’arrière-pays (Cévennes, Causses et Garrigues) de plusieurs centaines de mètres. Pour adapter leur profil, les cours d’eau s’incisent dans le calcaire et forment des canyons (Hérault à Saint-Guilhem, Gard en amont du Pont du Gard, Cèze à Montclus...), alors que les terrains argilo-gréseux des bassins du Tertiaire s’érodent sur toute leur surface (Gardon d’Alès, Vidourle à Sommières, Hérault en aval du Pont du Diable).