Des milieux cavernicoles... sous la garrigue, un écosystème riche et singulier
Auteur : Vincent Prié Date : novembre 2013
À la biodiversité de la garrigue en surface s’ajoute une faune remarquable, bien que moins remarquée, qui a dû se mettre en place il y a plusieurs millions d’années au sein même des massifs calcaires sur lesquels pousse aujourd’hui la garrigue : la faune du milieu souterrain.
Les écosystèmes * souterrains ont plusieurs particularités qui expliquent une diversification de leurs faunes.
L’absence de soleil et donc de production primaire en font des écosystèmes pauvres, tributaires du milieu extérieur pour l’apport de matière organique. Cette dernière provient soit des animaux troglophiles* comme les chauves-souris, qui se nourrissent à l’extérieur mais importent la matière organique sous la forme de guano ou de cadavres, soit par les eaux de pluie, dites météoriques, qui drainent en s’infiltrant la matière organique du sol vers l’intérieur des karsts *. Les animaux troglobies* sont adaptés à une nourriture rare et peu diversifiée. En contrepartie, du fait de l’absence de lumière, les animaux souterrains se passent d’yeux que leurs lignées ont perdu au cours de l’évolution, ainsi que des pigments qui protègent l’organisme des agressions des ultra-violets. Ils sont donc généralement translucides et ne peuvent supporter les rayons du soleil.
La température des écosystèmes souterrains qui échappe largement à la saisonnalité des températures est relativement constante et plutôt clémente : il s’agit en fait de la moyenne annuelle des températures des régions concernées. Ainsi, les eaux de la source du Lirou (Les Matelles, Hérault) par exemple oscillent entre 13,3 et 15°C. Quiconque pénètre dans une grotte en hiver remarque la chaleur et l’humidité ambiante, qui rendent les grottes agréables également en été, quand leur fraîcheur offre un havre hospitalier au randonneur.
Enfin, les milieux souterrains sont fragmentés, en particulier les milieux souterrains aquatiques. Chaque aquifère * souterrain, isolé des autres par la zone non noyée du karst, se comporte alors comme une île. À l’instar des fameux pinsons de Darwin, la vie s’est diversifiée au sein de ces “îles”, produisant de nombreuses espèces endémiques*. Ainsi, le karst d’alimentation de la source du Lez est considéré comme l’un des dix plus riches de la planète, avec un taux d’endémisme de 30% pour les mollusques par exemple. À plus large échelle, le territoire des garrigues abrite 22 espèces d’escargots souterrains, toutes endémiques du sud de la France !
On l’aura compris, le milieu souterrain de la garrigue abrite une biodiversité exceptionnelle par son endémisme et sa richesse. Sous nos pieds, vivent les Aselles, Niphargus, Moitessieries et Globhydrobies, moins populaires que les vertébrés mais souvent plus patrimoniaux. Ils sont tributaires de la matière organique importée par l’infiltration des eaux et donc d’un couvert végétal généreux.