Les eaux souterraines
Auteur : Hervé Jourde et Michel Bakalowicz
Date : novembre 2013
Les ressources en eau souterraine du territoire des garrigues sont essentielles à l’économie régionale, car ce sont les seules ressources pérennes associées à des réserves, qui permettent ainsi d’assurer l’alimentation en eau potable de la plupart des populations ainsi qu’une partie de l’irrigation. Elles sont localisées dans les alluvions des cours d’eau majeurs de l’est du territoire (Gardons et Vidourle) et dans les formations calcaires de son sous- sol. Les ressources sont plus abondantes, en particulier dans les formations karstiques qui constituent le support classique de la garrigue. Les circulations et l’accumulation d’eau dans le karst * s’effectuent au sein de fissures et de conduits de tailles très variables, résultant de la dissolution des calcaires par les eaux d’infiltration. Le karst est donc un aquifère *. Dans sa partie superficielle, le karst présente une zone particulière, à la fracturation plus marquée, pouvant atteindre quelques dizaines de mètres d’épaisseur : l’épikarst *. À la base de l’épikarst, la réduction des vides et des fractures et leur colmatage par des argiles limite l’infiltration vers les couches profondes autorisant, ainsi, la constitution d’une réserve superficielle. Elle fut longtemps exploitée localement par le biais de puits-citernes. Selon certains auteurs, la technique aurait été importée par les Templiers et les Hospitaliers depuis le Moyen-Orient où ces ouvrages sont très nombreux, notamment dans les villes mortes du Djebel Sema’an, près d’Alep en Syrie. Ce stockage est cependant hétérogène et discontinu, rendant son utilisation quelque peu aléatoire, car l’épikarst est localement percé à sa base par des conduits verticaux, grandes fractures ou gouffres, le drainant vers les profondeurs. Les réseaux de drainage souterrains peuvent aboutir en surface à des sources ou résurgences, parfois importantes, aux débits très variables suivant les conditions d’alimentation du karst par les précipitations et les niveaux de l’eau dans les aquifères. Les volumes annuels écoulés par ces sources sont de l’ordre de 90 à 120 millions de m 3 . Les plus remarquables sur le territoire sont les sources du Lez, du Lirou et de Sauve pour les garrigues montpelliéraines. Ainsi, lors des épisodes majeurs de crue, la source du Lez peut-elle atteindre un débit de l’ordre de 30 m 3 /s. Les ressources en eau souterraine du karst des garrigues nîmoises sont moins bien connues, non seulement parce qu’elles ont été moins étudiées, mais aussi parce que certains aquifères “fuient” en alimentant les nappes alluviales des Gardons et du Rhône.
Des ressources globalement mal connues
Les ressources d’eau du karst sont importantes et font actuellement l’objet de prélèvements divers, notamment pour l’alimentation en eau potable. Sur le territoire, entre le Vidourle et l’Hérault, ces prélèvements annuels totaux sont actuellement de l’ordre de 55 millions de m 3 , dont 35 millions pour la seule source du Lez, utilisée pour l’alimentation en eau de Montpellier. Cependant, si l’aquifère du Lez ou celui de la source des Cent Fonts (Causse-de-la-Selle) sont assez bien connus en raison des nombreuses études dont ils ont fait l’objet, l’estimation des ressources globales des karsts et autres formations calcaires du territoire des garrigues reste à faire comme l’ont révélé, en octobre 2011, certaines observations soulevées à la faveur de la Commission
Particulière du Débat Public relative au projet Aqua Domitia évoqué plus haut. Cette estimation est d’autant plus nécessaire que les ressources en eaux des formations karstiques sont très vulnérables aux pollutions de toute nature en raison des vitesses élevées de transfert des eaux, et que certaines pourraient justifier de mesures de protection en raison de leur intérêt pour les activités humaines, et en particulier de l’usage comme eau potable.
Malgré certaines particularités défavorables, les ressources en eau des aquifères karstiques présentent un atout majeur : ils peuvent stocker parfois des volumes considérables de plusieurs dizaines de millions de m 3 . Ces réserves, qui diffèrent l’écoulement des eaux sur des périodes plus ou moins longues, se renouvellent à l’échelle de l’année. Elles peuvent donc être exploitées de manière à compenser les étiages * sévères dus au climat. Une bonne
connaissance des réserves et de la ressource d’un aquifère permet une exploitation optimale qui n'implique pas une diminution progressive des réserves, voire leur assèchement complet par surexploitation, comme c’est le cas dans le sud de l’Espagne. Cette gestion durable est celle pratiquée depuis plus de 30 ans par l’exploitation exemplaire de la source du Lez.
La gestion durable de l'aquifère du Lez
La source du Lez à Montpellier, avec son débit interannuel moyen d’environ 2,2 m 3 /s, possédait un débit naturel en fin d’étiage de l’ordre de
350 litres/seconde, longtemps suffisant pour alimenter la population. L’aquifère du Lez, comme d’autres dans le bassin méditerranéen, possède des réserves renouvelables supérieures à 35 millions de m 3 . Elles ont permis de mettre en place une gestion active, consistant à prélever pendant toute la période d’étiage un débit nettement supérieur au débit naturel (1 300 litres/seconde environ) aux dépens des réserves. Ces réserves sont ensuite reconstituées en période de recharge. Depuis 1981, date de mise en exploitation de ces réserves, aucun indice d’appauvrissement des réserves n’a été constaté (Fleury et al., 2009).
Le captage est réalisé au moyen de forages qui atteignent le conduit karstique à environ 45 m sous le niveau de la source (-20 NGF - Nivellement Générale de la France), 500 m en amont. Les pompages peuvent ainsi rabattre le niveau de la nappe à environ 30 m sous le niveau de débordement naturel. Afin d’éviter une surexploitation de ces réserves qui provoquerait également des décolmatages d’argile remplissant certaines fractures, des règles strictes ont été fixées par arrêté préfectoral, limitant la vitesse de descente du niveau de la nappe et le débit maximal d’exploitation.
Par ailleurs, ce captage bénéficie, comme tous les captages d’eau potable, de périmètres de protection, immédiate, rapprochée et éloignée, imposant des conditions strictes de rejets d’eau et de polluants éventuels. Ce dispositif a depuis servi de modèle pour l’exploitation de grandes sources karstiques à travers le monde, par exemple dans le sud de l’Espagne ou pour la source de Figeh, qui alimente Damas en Syrie. Toutefois, les règles d’exploitation n’ont, le
plus souvent, pas été assez strictes, ou non respectées et leur surexploitation a conduit à une diminution systématique des réserves, parfois même à un assèchement complet de l’aquifère.
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