La culture de l'olivier
Auteur : Michel Teissier
Date : novembre 2013
L'oléiculture, bien qu’étant une composante du système agricole des garrigues depuis plusieurs millénaires, a connu une évolution en dents-de-scie notamment à cause des grands épisodes de gels aléatoires. Cette situation “frontière” en limite nord de l’aire de distribution de l’Olivier a cependant favorisé le développement de savoir-faire complexes pour s’adapter à ces aléas.
Deuxième partie du XIXe siècle : essor et ralentissement de l’oléiculture
L’industrialisation florissante de cette époque a permis un développement plus rapide du traitement de la production d’huile d’olive. Jusque-là et particulièrement au XVIIIe siècle, l’insuffisance du nombre de moulins et la lenteur de leur travail ne permettent pas de presser les récoltes avant qu’elles ne s’abîment. En 1754 par exemple, un texte d’archive indique que les habitants de la commune de Marguerittes demandent la construction d’un quatrième moulin car les trois existants ne suffisent pas et obligent à attendre, quelquefois, en laissant moisir les olives, “ce qui est mauvais pour la santé !” disaient-ils.
Ainsi le développement formidable des machines laissait penser que tout allait devenir possible, des milliers d’hectares de plantations, des tonnes d’olives qui seraient très rapidement transformées.
Dans le même temps, la production cosmétique se développait, la publicité aidant, et les savonneries augmentaient leur demande en huile. Tout portait à croire que l’âge d’or de l’oléiculture allait s’ouvrir.
Cependant, la France se dotait alors de colonies d’où elle importait des matières premières à des coûts très intéressants. L’huile d’olive commençait à être importée en masse. En parallèle, on découvrait également les vertus d’autres huiles végétales (de cacahuètes ou de palme, etc.).
Les enthousiasmes autour de l’oléiculture se calmèrent très vite. D’importants arrachages commencèrent avec remplacement par de la
vigne.
Il n’est donc resté d’Oliviers en garrigue que dans les zones les moins productives avec quelques pieds de vignes entre les rangées d’arbres car… on ne sait jamais…
Première moitié du XXe siècle : le retour de l’Olivier et la civilisation des masets
La catastrophe du phylloxéra qui fit s’effondrer la viticulture sur nos territoires a incidemment relancé l’oléiculture.
S’ensuit une période d’un demi-siècle de retour à l’Olivier avec une reprise des terres un temps délaissées. L’utilisation de nouveaux petits outils manuels, a permis pendant une
cinquantaine d’années un développement modéré des olivettes. Même au cours des deux grands conflits mondiaux, de nombreuses parcelles
ont été remises en production, pénurie oblige.
En cette même période, ce qu’on appelle “la civilisation des masets *” va prendre son essor notamment dans les garrigues de Nîmes. Tout le monde voulait aller passer le dimanche en famille au maset. L’Olivier y a pris une place symbolique majeure. La garrigue s’est alors transformée
en une immense olivette entretenue par des amateurs hors de leur temps professionnel.
L’oléiculture se voyait un formidable avenir dans le monde de la cuisine méditerranéenne encouragé par les diététiciens. C’est moderne, et grâce à la publicité, “la réclame”, tout le monde savait que l’huile d’olive était gage de bonne santé.
Il semblait donc que le métier d’oléiculteur avait de l’avenir, bien que les pays voisins soient en mesure de nous fournir des huiles bien moins chères que les nôtres. C’était compter sans les aléas climatiques !
Le gel de 1956 : effondrement de la production qui ne se relève pas
Dans les premiers jours de février 1956, la température de l’air est passée en 24 heures de + 12° à – 12°, et elle s’y est maintenue une bonne quinzaine de jours. Le sol était détrempé, favorisant la pénétration du froid, et un mois de janvier doux avait entraîné les premières montées de sève. Cette dernière a alors gelé et fait éclater les arbres.Plus de 99% des oliviers ont péri et n’ont pas eu de repousse du pied. Une fois de plus
tout était à reconstruire !
Cette dernière période de reconstruction, qui s’achève dans les années 2000 ne pourra jamais permettre d’atteindre les surfaces cultivées d’autrefois.
La relance a été difficile. Les “anciens”, fatigués et incapables de recommencer, ont même conseillé aux plus jeunes de se tourner vers la vigne, d’un meilleur rapport et qui bénéficiait d’aides intéressantes.
Petit à petit le savoir-faire s’est lui-même un peu perdu, se maintenant seulement dans certaines familles ayant gardé une petite parcelle d’oliviers pour produire leur propre huile. La garrigue est de plus en plus abandonnée, les masets oubliés, les olivettes ne sont plus réhabilitées.
De plus, le marché se révèle concurrentiel. Des huiles à bas prix viennent d’Espagne, d’Italie, de Grèce, du Portugal, des pays où l’oléiculture ne souffre pas de gelées tardives et où les Oliviers produisent en bien plus grande quantité et de façon bien plus soutenue qu’en France.
Fin du XXe siècle, un regain d’intérêt pour l’Olivier
Les difficultés dans le secteur viticole entraînent timidement un nouvel intérêt pour les cultures complémentaires comme l’oléiculture.
En parallèle, l’arrivée de nouvelles populations, le développement démographique des villages lié à la périurbanisation, amènent un public de plus en plus large à porter un nouveau regard sur la garrigue. L’Olivier, l’olivette et toute sa charge symbolique, patrimoniale et paysagère y trouvent une place de choix.
En 1990, les associations oléicoles ont pris soudain de l’importance. Tout le monde voulait des oliviers, on en est arrivé à ce que 70% de la production oléicole provienne des “amateurs”.
Le Gard comptait en 1990 environ 230 000 Oliviers.
L’intérêt pour l’Olivier a été tel qu’une demande a été lancée pour reconnaître les appellations d’origine “Olive de Nîmes” et “Huile d’Olive de Nîmes”, prenant en compte les variétés spécifiques de nos garrigues. Obtenues respectivement en 2004 et 2006, elles ont été validées par l’Union Européenne en Appellations d’Origine Protégée en 2007 et 2010.
Dans le même temps, des subventions sont venues encourager les nouvelles plantations intensives de plusieurs dizaines de milliers d’arbres, doublant ainsi le nombre d’Oliviers. Il existe près de 470 000 arbres aujourd’hui dans le département du Gard. Néanmoins ce phénomène s’est localisé principalement dans les plaines irrigables et non en garrigue.
La production d’olives et d'huiles d’olive sur le territoire des garrigues
Les productions en oléiculture sous nos latitudes sont très irrégulières à cause des aléas climatiques et du problème de la “Mouche de l’olive”.
À une échelle départementale, la production d’huile d’olive est en moyenne d’environ 215 tonnes pour le Gard et 56 tonnes pour l’Hérault entre 1980 et 2000. Puis la production ne cesse d’augmenter pour atteindre en 2010/2011, 860 tonnes dans le Gard et 332 tonnes dans l’Hérault. Cette augmentation peut être expliquée par un travail important de réhabilitation d’olivettes sous l’impulsion de puissantes associations d’amateurs et par
les plantations à haute densité, aidées financièrement entre 1993 et 2003, et qui arrivent aujourd’hui en pleine production.
Une recherche de typicité des huiles
Il existe en France de nombreuses huiles d’olive différentes sous de nombreuses appellations, avec en général une variété phare dans chaque département. Sur le territoire des garrigues, se distinguent à l’est une huile d’olive basée sur l’assemblage entre la Picholine et la Négrette reconnue sous l’appellation AOP “Huile d’Olive de Nîmes” et une autre à l’ouest basée sur la Lucques du Languedoc en cours de reconnaissance.
La sélection rigoureuse des olives par les maîtres mouliniers permet d’obtenir des huiles à caractère qualitatif “haut de gamme”. La typicité des huiles est recherchée et valorisée. Par exemple, la Picholine apporte au palais une saveur incomparable avec un fruité intense alors que la Négrette amène des arômes de fruits secs, amande ou noisette. La Lucques par contre donne des fruités verts légers sans amertume ni ardence. Ainsi, l’oléiculture professionnelle en garrigue est en constante valorisation et perfectionnement de ses savoir-faire, en vue d’une production de haute qualité lui permettant de tirer son épingle du jeu.
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