Contrairement à une idée largement répandue, l'auteur type d'un incendie n’est ni un étranger, ni un touriste, encore moins un terroriste : c’est "Monsieur Tout le Monde", presque toujours un Homme, habitant la région et n’ayant ni âge ni situation professionnelle particulière. L'ennemi public dont l'image fortement médiatisée hante la population n'existe pas en réalité. Chercher le criminel conduit à une déresponsabilisation des habitants et usagers de la garrigue dans leur rapport avec le risque incendie. Car le véritable enjeu reste sans nul doute pour nos régions méditerranéennes d’apprendre à vivre avec le feu.
L'analyse des données statistiques sur les incendies (à partir de la base de données officielle "Prométhée") montre la difficulté d'aborder le sujet des causes et des auteurs. Sur la période de 1973 à 2004, par exemple, seulement 14% des origines des feux ont pu être identifiées de façon certaine sur le territoire des garrigues, auquel il faut ajouter un certain nombre de feux dont la cause n’est pas certaine mais seulement probable (6%) ou supposée (17%). Et toute extrapolation à partir de ces rares certitudes est source de graves erreurs d'interprétation. Les causes d’incendie dont les indices sont faciles à déceler (comme les voitures brûlées, les feux démarrant le long d'une voie ferrée...) sont statistiquement sur-représentées, alors que d'autres sont sous-représentées du fait de la difficulté à retrouver des traces (comme, par exemple les mégots de cigarettes...). Depuis 1996, la connaissance des causes des incendies s'est notablement améliorée du fait des efforts menés par la Délégation à la Protection des Forêts Méditerranéennes et du perfectionnement des méthodes d'enquêtes.
Dans tous les départements méditerranéens, on observe une évolution des causes des incendies au cours des trente dernières années. Les feux dus aux travaux agricoles ou aux dépôts d'ordures sont globalement en diminution, alors que ceux dus aux imprudences des particuliers ou à la malveillance sont en augmentation. Les raisons en sont multiples : le déclin agricole, l’étalement des zones urbanisées, les travaux réalisés sur les décharges, le traitement de certaines lignes électriques, le nettoyage du bord des routes...
Parmi les feux de cause certaine, 82% sont involontaires (accidents, imprudences), 12% volontaires et 6% naturels. Il est à noter que la foudre est à l'origine de beaucoup plus d'incendies dans le territoire voisin des Cévennes que dans les garrigues où la proximité des villes peut expliquer une part plus importante des accidents, imprudences et malveillances.
Mais l'un des facteurs indispensables à prendre en compte lorsque l'on étudie les causes des incendies est la force des représentations. Pour la majorité de la population, l'origine d'un incendie est presque toujours liée à un acte criminel. Bien que l'amélioration des connaissances contredise ce postulat dans la plupart des cas, l'image perdure dans le grand public et les médias. Néanmoins, dans les milieux professionnels, depuis une vingtaine d'années, les discours évoluent et prennent en compte la diversité des causes.