Le foncier aujourd'hui
Auteur : Olivier de Labrusse
Date : novembre 2013
Le foncier dans le territoire des garrigues se différencie de plus en plus selon les usages et les localisations et milieux géographiques. Schématiquement l'on peut distinguer trois types de foncier :
• le foncier agricole, très majoritairement localisé dans les plaines et bassins, accessoirement sur les pentes, et minoritairement sur les plateaux,
• le foncier pastoral et forestier surtout sur les plateaux et massifs,
• le foncier périurbain et rurbain, ce dernier touchant une grande partie des villages jusqu'à 20 à 40 kilomètres des agglomérations, c'est-à-dire la quasi-totalité de la région des garrigues.
Le foncier agricole
L'agriculture est localisée presque exclusivement dans les plaines et bassins
Le foncier agricole occupe les plaines et bassins, et, dans certains cas (vigne, olivettes), réinvestit les pentes jusque-là délaissées. Dans la majorité du territoire des garrigues, la surface des parcelles est de 0,3 à 0,6 hectare. Les plus grandes parcelles se situent sur les reliefs du Causse d'Aumelas et des garrigues nord-montpelliéraines et, dans une moindre mesure, sur le plateau de Lussan.
Remembrement et réaménagement foncier
La tendance dans les années 2000 est à l'érosion du nombre de petites exploitations (moins de 5 ou 10 hectares, environ 65 à 75 % du total selon les zones), et le transfert de leur microparcellaire, souvent dispersé, vers les moyennes exploitations (de 20 à 25 hectares environ) et vers les grandes exploitations (65 hectares et plus) qui, ainsi, s'agrandissent.
Ce transfert passe donc par des réaménagements fonciers sous plusieurs formes : échanges, rattachements de parcelles contiguës, création d'îlots fonciers, redécoupages... Ces opérations sont, en pratique, parfois complexes. Dans les remembrements de Langlade en Vaunage, en 1988, pour 178 hectares ce ne sont pas moins de 553 parcelles et 158 propriétaires qui ont été concernés. À Saint-Côme, il s'est agi pour 367 hectares de près de mille parcelles (988) et 180 propriétaires. à Langlade, les opérations concernaient principalement les vignes qui ont été portées à 60,34 % de la zone remembrée et les cultures à 37,5 %. Les vergers n'ont représenté que 0,19 %, les landes et taillis * 1,29 %.
La diversification impose des conditions foncières particulières
Les productions envisagées portent sur la semence de luzerne, le fourrage en circuit court, les oléagineux, les fruits et légumes, éventuellement en circuit court et en biologique, les plantes aromatiques, les oliviers, les chênes truffiers, la stevia... Si bien des pistes sont ouvertes, et quelques réalisations ont vu le jour, il n'en reste pas moins que bien des difficultés foncières sont à résoudre au préalable : disponibilité de terres adéquates et bien localisées, possibilité de réaliser des îlots fonciers, aides à l'acquisition de terres pour les porteurs de projets, dont des “néo-agriculteurs”...
Les friches et le foncier : stratégies d'attente, d'utilisation, de mise à disposition et îlots agricoles.
Une part des terres, dont des parcelles de vignes anciennes ou arrachées sont laissées en friches. Dans certains cas, elles peuvent atteindre
des surfaces non négligeables. À Loupian, à l'extrémité sud du Causse d'Aumelas, en 2005, les 150 hectares estimés de friches représentaient près de 20 % (18,75 %) de la surface communale. En comparaison la surface agricole n'était plus que de 262 hectares.
Une étude a été menée sur la moitié des surfaces en friches (72 ha) correspondant à pas moins de 268 parcelles relevant de 263 propriétaires (dont 36 % de cas d'indivision*). La surface moyenne des parcelles était de 28 ares.
Trois stratégies ont été inventoriées :
– la stratégie d'attente, de rétention, correspond à une indécision, une idée de conservation d'un patrimoine “au cas où”, à un attachement affectif à la terre, et à des situations d'indivision ;
– la stratégie d'utilisation est une attente de future utilisation, de future remise en culture, en particulier de replantation de vigne, dès que des droits auront été libérés et les frais d'investissement réunis ou un fermier trouvé ;
– les stratégies de mise à disposition concernent des ventes potentielles ou des locations.
Les ventes peuvent être de deux types : il peut s'agir de spéculation sur une éventuelle urbanisation, à des prix allant de 10 000 à 20 000 euros l'hectare, ou de vente de terres nues estimées au prix agricole local (3 000 à 5 000 euros l'hectare, valeurs 2005).
Les futures locations agricoles peuvent être de deux types : fermage ou “Contrat de Mise à Disposition”, moins contraignant pour le propriétaire, à court terme (moins de 6 ans) ou long terme (plus de 6 ans). Le premier cas renforce la stabilité du foncier agricole cultivé, le second, une forme de précarité agricole. En second lieu, face à la petite taille des parcelles et leur dispersion, des regroupements de parcelles en îlots agricoles ont été envisagés.
L’efficacité de la remise en culture potentielle par vente, fermage ou Contrat de Mise à Disposition, dépend aussi de la taille des parcelles, de leur contiguïté, soit de la possibilité de constituer des îlots de culture viables.
À Loupian, les friches occupent près de 20 % de la surface communale (d'après Coeffe, Institut d'Agronomie Méditerranéenne IAM, 2005).
Les friches et l’accès aux terres agricoles
La problématique des friches est un des éléments du marché foncier agricole, concernant le mode d'acquisition de terres agricoles :
achat, location, héritage.
Une étude sur 8 communes de l'ouest montpelliérain (périmètre du syndicat inter-communal Vène-Mosson) est révélatrice des stratégies foncières agricoles d'acquisitions. Le nombre de petites exploitations (moins de 20 ha) a grandement chuté (-54 %) entre 1979 et 2000. Inversement les moyennes exploitations (20 à 35 ha) ont crû de 30 % et les grandes exploitations (>35 ha) de 46 %. 25 % des terres sont devenues des terrains constructibles, 75 % sont restées agricoles.
Les transferts fonciers agricoles vers les moyennes propriétés agrandies (de 20 à 50 ha) se sont opérés :
– d'abord par héritage (33,3 % des cas), ou en formule mixte d'héritage et achat (22,2 %) soit, au total plus de la moitié des cas ;
– le fermage vient en second lieu, soit en totalité (22,2%), soit mixte, fermage et achat (16,7 %).
Par contre les grandes propriétés agrandies (50 à 100 ha) ont nettement procédé par achat “pur” (28,6 % des cas) ou mixte avec toujours une composante achat liée au fermage et à des héritages, sans qu'il n’y ait aucun cas d’acquisition par seul héritage.
Ainsi dans le cas des moyennes exploitations l'héritage, complémenté par fermage ou achat, permet l'agrandissement. Dans le cas des grandes exploitations l'achat est prépondérant, l'héritage n'étant pas en soi un mode d'acquisition.
Mode d'agrandissement des exploitations agricoles moyennes entre 1979 et 2000 dans 8 communes de l'ouest montpelliérain.
Le prix des terres agricoles et le marché foncier
Selon les enquêtes du ministère de l'Agriculture 85 % des transactions (de plus de 70 ares) concernent des terres non bâties. Si le terrain contient du bâti, le prix pourra être multiplié par 2 ou 3, voire plus ! La Safer (Société d'Aménagement Foncier et Rural) fournit des fourchettes de prix en 2010, par petites régions agricoles.
Les disparités sont relativement importantes, pouvant aller du simple au double entre les garrigues gardoises et héraultaises. Au cours des dernières années 2003-2010, la plus forte augmentation du prix du foncier agricole concerne les garrigues héraultaises. Le marché de la vigne, principale culture de la région, peut expliquer ces disparités.
Le prix des terres viticoles dépend essentiellement des aires d'appellation
Les données sur les prix à l'hectare peuvent provenir de différentes sources avec des modes de recueil et de traitement différents. Parmi les différents organismes (notaires, ministère de l'Agriculture, chambres d'Agriculture...), les données de la Safer permettent d'établir des fourchettes de prix correspondant à des situations et qualités de parcelles ainsi que d'encépagements différents. Dans ces fourchettes se dégagent des prix de “dominante”.
Géographiquement, le vignoble sans Indication Géographique Protégée (IGP) est dominant dans le territoire des garrigues du Gard, avec des prix à l'hectare assez bas. Les prix moyens concernent surtout la bordure sud avec l'AOP Coteaux du Languedoc et des vins IGP (Pont du Gard, duché d'Uzès, Vistrenque). Seule la bordure rhodanienne, dont le vignoble de qualité des Côtes du Rhône et ses débouchés se sont constitués dès les XVII e et XVIII e siècles, se démarque nettement, avec les sommets atteints par Lirac et surtout Tavel, sur des terroirs réduits.
Plus que dans le territoire des garrigues du Gard, les prix à l’hectare sont géographiquement très diversifiés dans celui de l'Hérault. L'aire de l'appellation générique Coteaux du Languedoc occupe presque toute la zone des Garrigues héraultaises, à l'exception des reliefs les plus élevés. Elle est plus vaste que sa partie gardoise. Les prix à l'hectare y sont pratiquement les mêmes. Les différences de prix à l'hectare dépendent surtout des sous-appellations.
Celles-ci peuvent concerner des spécialisations tel le muscat de Frontignan, constitué historiquement dès le XVII e siècle, ou le cépage blanc du picpoul de Pinet. Elles peuvent provenir aussi d'une forte politique de qualité des vins retentissant sur les spectaculaires appréciations du foncier du Pic Saint-Loup depuis les années 1970-1980, ou, plus récemment de la Méjanelle, qui se démarquent ainsi nettement des prix fonciers dans le reste de la sous-appellation.
Par contre dans l'aire de l'appellation générique Coteaux du Languedoc les prix restent relativement moyens, ainsi que pour la sous-appellation Grès de Montpellier, et pour celle, encore plus récente des Terrasses du Larzac.
Les prix du foncier viticole se jouent aussi à des échelles plus fines
Cependant, les prix à l'hectare à cette échelle géographique d'appellations, voire de sous-appellations, sont à manier avec précautions. La fourchette de prix présentée par la Safer reflète ainsi des différences foncières à des échelles plus fines. Les écarts peuvent être significatifs allant du simple au double comme, par exemple, dans les Côtes du Rhône ou les Grès de Montpellier. De plus, ce sont surtout les mentions complémentaires par commune, terroir, ou parcelle qui vont jouer un rôle.
Parfois, certaines communes souhaitent se démarquer d'une sous-appellation jugée trop générique et peu porteuse. Par exemple c'est le cas de communes telles que Saint-Georges-d'Orques ou Saint-Christol dans la sous-appellation Grès de Montpellier.
À l'échelle de terroirs, les critères de prix dépendent des qualités, mais peuvent aussi évoluer. À l'époque du vin de masse, les terroirs bas, argileux, les plus productifs, étaient les plus recherchés. Dans l'appellation Pic Saint-Loup, actuellement, les pentes rocailleuses sont prisées.
À l'échelle parcellaire, les différences de prix prennent en compte de nombreux critères telles la superficie, la forme, la localisation, l'accessibilité, l'exposition, la qualité de sol...
Par ailleurs on se gardera d’inférer trop rapidement des liens entre une aire d'appellation et le prix du vin et du foncier. Ainsi une étude très fine des prix du foncier viticole, au-delà des appellations et sous- appellations, aurait donc à se situer à l'échelle des parcelles, terroirs, domaines, villages.
Le foncier pastoral et forestier
La propriété privée des forêts et des landes(1) est très majoritaire.
Les forêts et les landes relèvent quasiment toutes de la propriété privée et couvrent environ 273 000 hectares, soit 80 % du territoire des garrigues. Ceci représente donc un patrimoine considérable ainsi que des rentes foncières et forestières potentielles importantes.
Pour le Centre Régional de la Propriété Forestière (CRPF) la superficie des forêts privées sur le territoire des garrigues est de 97 000 hectares (2) .
Néanmoins, leur calcul se basant sur le cadastre, les parcelles toujours classées en landes mais qui ont évolué aujourd'hui en forêt, ne sont pas toujours prises en compte. On peut donc considérer que ce chiffre est minoré. 28 000 propriétaires privés se partagent ces 97 000 ha de forêts.
Leur répartition est très inégale. Une masse de petits propriétaires domine, mais moyennes et grandes propriétés représentent cependant l'essentiel des surfaces forestières privées.
Le Gard : nettement plus de petits propriétaires forestiers que dans l'Hérault
On note une assez nette différence entre le Gard et l'Hérault. Dans le Gard, le nombre de petits propriétaires est cinq fois plus important que dans l'Hérault, pour une surface presque trois fois plus importante. L'écart est un peu moindre pour les propriétés moyennes. Inversement les grandes propriétés sont près de deux fois plus nombreuses dans l'Hérault que dans le Gard. Ces grandes propriétés forestières héraultaises représentent des surfaces plus de deux fois plus importantes que dans le Gard. Le Gard a donc une structure de propriété forestière plus morcelée que l'Hérault, certainement du fait d’évolutions historiques différentes.
La rente forestière privée ne concerne qu'une minorité de propriétaires
En fait selon la structure de la propriété, selon la contiguïté ou la dispersion des par- celles forestières, selon leur accessibilité, leur mode de gestion, ou encore selon les choix des propriétaires, seul environ un quart des forêts privées est réellement géré et exploité pour la production de bois, essentiellement de chauffage à partir des taillis.
Le contraste entre les propriétés publiques du Gard et de l'Hérault
Les propriétés publiques occupent 63 000 hectares (environ 23 % du total des landes et forêts du territoire des garrigues). Pour l'essentiel ce sont des forêts communales, héritées, pour partie, des quelques acquisitions du Moyen Âge mais surtout de la Révolution française avec la fin des droits d'usages seigneuriaux.
Elles sont nettement plus nombreuses et étendues dans le Gard que dans l'Hérault, en particulier en Uzège et sur le plateau de Lussan. Dans l'Hérault, seules 53 communes possèdent des forêts soumises au régime forestier. Les superficies s'échelonnent de 8 ha (Saint-Bauzille-de-Putois) à 596 ha (Cournonterral) et même 945 ha (Aniane) et 1367 ha (Puéchabon).
Ces forêts représentent un réel patrimoine et une rente pour les communes concernées, lorsqu'elles peuvent être gérées et exploitées pour le bois. D'autres revenus, plus secondaires, peuvent être tirés de la chasse, du pâturage des landes, voire du sous-bois pour débroussailler et réduire le risque incendie, mais dans ce cas, souvent, à titre gracieux.
Les domaines départementaux : une diversité d'usages
Quelques domaines ont été acquis à titre de réserves foncières et de mise à disposition du public. C'est le cas par exemple, dans le Gard de Méjannes-le-Clap, dans l'Hérault du domaine de Restinclières (Prades-le-Lez), du Mas Neuf (Claret), de Roussières (Viols-en-Laval), avec des utilisations partielles telles que l'agroforesterie (Restinclières), le pâturage ovin (Roussières), et un “réseau vert” reliant les domaines et traversant le département.
Les forêts d'État domaniales sont peu nombreuses et peu étendues
Ceci est historiquement dû à une faible mainmise royale sur les forêts, mais aussi à des aliénations médiévales au profit des seigneurs et abbayes. Les guerres de religion, la Révolution et l'Empire ont fait passer nombre de ces forêts, à l'époque plus ou moins dégradées, aux communautés puis aux communes. À tel point que certaines forêts domaniales ont été rachetées par l'État aux communes, telles la forêt de Valbonne (872 ha), celle de Saint- Guilhem (2451 ha), entre 1898 et 1942, celle de Puéchabon (652 ha) en bordure des gorges de l'Hérault en 1923, ou à des particuliers telle celle de la Gardiole (904 ha) en 1972-1973.
Ces forêts ne créent pas véritablement de rente foncière. Celle de Saint-Guilhem est une réserve de protection du pin de Salzmann (Pinus nigra subsp. salzmannii), celle de Puéchabon relevait de la Restauration des Terrains en Montagne (RTM), celle de la Gardiole de reboisements dans le cadre de la mission “Racine” d'Aménagement du Littoral.
Les camps militaires en garrigues sont des cas particuliers, les deux plus importants étant celui de Nîmes et celui du Causse de Viols-le-Fort, acquis en 1970 par l’ex école d’infanterie de Montpellier et actuellement en vente. Dans les deux cas les droits d'usage (dépaissance, chasse, cueillette) y sont plus ou moins admis.
Le foncier et l'urbanisation
Depuis les années 1970, l'urbanisation touche de plus en plus les périphéries d'agglomérations, jusqu'à la quasi-totalité des villages du territoire des garrigues, à des rythmes et modalités variables.
L'évolution géographique des prix des terrains à bâtir à l'échelle de l'ensemble du territoire des garrigues
À l'échelle cantonale, l'évolution au cours de la dernière décennie est très nette. En 2001 la pression des prix se limite encore à la frange sud. En 2007 la pression se diffuse beaucoup plus largement sur la zone des garrigues, à la seule exception de la zone alésienne. En 2001 la seule disparité marquante se situe entre l'agglomération montpelliéraine, déjà étendue vers les garrigues de la Mourre et d'Aumelas, avec des prix les plus élevés de la zone, et les agglomérations nîmoises et de Villeneuve-les-Avignon aux prix plus modérés. La zone urbaine continue Nîmes–Montpellier–Sète est déjà constituée.
En 2007 les phénomènes se sont intensifiés tant pour les prix, que pour l’extension en sur- face. Le phénomène montpelliérain a gagné la quasi-totalité des garrigues à l'ouest et au nord de l'agglomération, avec des abcès de fixation vers la moyenne vallée de l'Hérault et le canton de Ganges. La pression des prix s'est accrue également dans la bordure rhodanienne avec, en particulier, l'émergence du canton de Pont-Saint-Esprit au point que le couloir urbain Sète–Montpellier–Nîmes serait à prolonger via Remoulins et Villeneuve-les-Avignon jusqu'à Bagnols-sur-Cèze et Pont-Saint-Esprit.
L'urbanisation en auréoles à partir de noyaux et en linéaire à partir d'axes
À une échelle plus fine, l'exemple de la carte des terrains artificialisés (bâti et infrastructures) de l'est héraultais permet de préciser les phénomènes de localisation : on y distingue des noyaux importants, notamment au pourtour de Montpellier et selon les axes principaux, comme par exemple, vers Mèze, Gignac, Ganges, Quissac, Sommières, Lunel.
Les grandes taches blanches correspondent aux reliefs : Causse d'Aumelas, garrigues de Puéchabon, Causse de la Selle, Causse de l'Hortus... Au total, géographiquement, deux mécanismes fondamentaux de transformation du foncier agricole et forestier en foncier bâti sont en œuvre : une croissance en auréole à partir de noyaux existants et en linéaire à partir d'axes. Ces deux modalités de base se retrouvent à toutes les échelles du moindre village à la microrégion.
La valeur du foncier à bâtir et bâti se répartit selon les reliefs
Mais le nouveau foncier urbain se répartit aussi en fonction du relief. Dans nombre de cas les terrains les plus valorisés sont ceux situés sur les pentes, voire les sommets, offrant des vues plus larges, et, souvent, la proximité de la forêt. Inversement le foncier de plaine ou bassin, souvent d'origine agricole, et en état de “friches d'attente” est moins valorisé pour l'habitat mais plus pour les équipements et activités. Le schéma historique de la répartition du foncier selon le relief (présenté en début du chapitre) est alors réinterprété.
D'autres paramètres géographiques peuvent avoir une influence sur les valeurs foncières, comme par exemple, le risque d’inondation en plaine pouvant diminuer de 30 % la valeur des biens fonciers déjà construits.
Les enjeux géographiques du foncier et de l'urbanisation aujourd'hui
Depuis plusieurs années maintenant, face aux nouveaux défis économiques, énergétiques, environnementaux et sociétaux, les enjeux fonciers d'urbanisation se dégagent de plus en plus clairement et ouvrent des possibilités de choix et d'arbitrages. À l'échelle du territoire des garrigues, le phénomène majeur que sont la péri-urbanisation et la rurbanisation, amène à des hausses différentielles du prix des terrains à bâtir selon la distance aux agglomérations, l'accessibilité, et le rapport entre offre et demande de terrains. Il y a alors un risque de créer ou accroître les inégalités géographiques, sociales et économiques, entre les communes, avec ses corollaires de risques d'incohérences d'affectation des ressources et moyens.
Des démarches de projets de territoires, (Communautés de communes, Pays, SCOT), appuyés sur différents scénarios d'avenir pourraient aider à harmoniser les politiques foncières des communes et répartir plus équitablement les plus-values foncières. L'urbanisation spontanée en auréoles, consommatrice d'espace, ainsi que celle selon les axes préexistants, en linéaire, accroissant le coût des réseaux, n'est plus alors une fatalité à subir passivement. Elle s'organise de plus en plus dans la continuité des noyaux anciens, en densifiant le nouveau bâti, et en repensant le réseau de voiries et de transports, et donc l’accessibilité.
Au niveau local du village ou de la commune, avec bien souvent son relief de plateau (ou colline) - versant (coteau) - plaine, les réflexions portent sur les choix des meilleures affectations des terrains en préservant les ressources agricoles et paysagères, et en prenant en compte les risques d'incendie, particulièrement sur les reliefs, d'inondation en plaines, mais également de ruissellement pluvial sur les versants.
Le développement de l'urbanisation, un enjeu pour les paysages de garrigue
Le Schéma de Cohérence Territoriale Uzège- Pont-du-Gard a approfondi la question de la relation entre le paysage et l'urbanisation. Il s'est notamment donné comme objectif de pérenniser la singularité paysagère des villages et des hameaux. Pour cela, cinq types de silhouettes villageoises ont été identifiées :
- les villages de plaine ;
- les villages de piémont ;
- les villages perchés ;
- les villages de bord de cours d'eau ;
- les villages de plateau.
Ainsi, pour une meilleure valorisation paysagère, il est apparu que chaque type de village impliquait des prescriptions et des principes d'extension qui lui sont propres. Par exemple, pour des villages de piémont, il est conseillé de densifier les abords du village sur le coteau en articulant village ancien et nouvelles constructions, et d'éviter l'urbanisation entre le village et la route principale qui irrigue la plaine. Pour les villages de plaine, il faut proscrire l'urbanisation linéaire et qualifier les limites d'urbanisation, espaces de transition entre les extensions urbaines et les espaces agricoles.
Le foncier dans le territoire des garrigues : un héritage géographique original qui doit évoluer
En conclusion, le foncier dans le territoire des garrigues n'est pas quelconque. Avec ses configurations très différentes entre reliefs, versants ou plaines, il est un marqueur très identitaire des paysages et de l'organisation historique des terroirs.Où peut-on passer aussi rapidement de la régulière ordonnance parcellaire des plaines soulignée par ses chemins, fossés, ripisylves *, aux terrasses de versants, au microparcellaire des villages, puis aux murets de garrigue, aux drailles * et aux grandes parcelles de pâturage ?... tout un art, toute une construction humaine de l'organisation du territoire et de son foncier...
Les impératifs économiques et sociaux actuels dominants, pris tels quels, pourraient amener à une banalisation de la question foncière et une négation des qualités foncières et paysagères que nous ont léguées l'histoire et la géographie de ce territoire.
Toute une série d'études, d’initiatives, et de projets nous montre comment cette organisation foncière peut être prise en compte, valorisée, voire ré-interprétée dans les contextes évolutifs actuels de l'agriculture, de l'urbanisation, des forêts, et des usages citoyens de ces différents espaces.
(1). Les landes correspondent dans le vocabulaire forestier à tout ce qui peut être considéré comme de la forêt en devenir, la garrigue au sens écologique du terme en fait partie.
(2). Chiffre arrondi, données crpf 2012, sur la base de données cadastrales 2009.
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