Microtoponymie de Brissac

• Pour comba, L. Alibert donne les acceptions de "combe, vallon, ravin" (p. 233). Dans le département de l'Hérault, une "combe" désigne, en règle générale, non pas une vallée, mais une "dépression" assez "encaissée". Le terme [kumbo], [kumba] est attesté par l'ALL (c. 92, intitulée "vallon"), pour les zones 1, 2, 3 et 5. Pour cette dernière zone, [kumba] est aussi proposé sur la carte intitulée "ravin" (c. 77).

Un sémantisme a pu être attribué au terme combe par nos témoins en zones 1, 2, 3, et 5, où le terme dialectal est attesté par l'ALL.
Le terme synonyme le plus fréquemment évoqué, dépression, l'a été par 23 de nos témoins. T1 de Ganges, ainsi que les témoins de Cazilhac, et d'Agonès ont précisé que ce terme désigne des dépressions "encaissées", ce qui est justifié par la topographie de la zone 1.

1 : Combe et caractéristiques du lieu nommé :

• A Brissac,

La Grand Combe (CN, S°D), où une "combe" est attestée par T2 et T3, correspond sur le plan du CN à un "dévers", d'un dénivelé de 130 m (du nord-est au sud-ouest du tènement).
Les Combettes (CN, S°J, rebaptisé Mas de Cardonille dans le CR) désignait un tènement en "dévers" de 70 m de dénivelé.
Combejau (CN, S°C) était un tènement en "dévers", d'une altitude de 210 m au sud, offrant un dénivelé de 61 m, du sud au nord-est.
Combe de Coulet (CN, S°D, rebaptisé Mas de Coulet dans le CR) désignait une "combe" au fond de laquelle passe un ru. Le dénivelé de ce tènement, situé entre 2 piochs culminant à 224 m et 235 m, est de 50 m.
La Combette (CN, S°D) était un tout petit tènement, de faible dénivelé (20 m), situé sur Mas de Verdier (CR) ; la fort petite superficie de ce tènement ne l'autorisait pas à épouser la topographie d'une combe. T3 y atteste une "combe", et précise qu'il y a de très nombreuses petites combes à Brissac, comme cette liste toponymique nous permet de le constater.
La Combe (CN, S°I, intégré au tènement nommé Coupiac sur le plan du CR) n'est pas une combe, mais correspond au "nom du mas", pouvant provenir d'un patronyme, implanté sur le tènement.
Les Combelles (S°AI) désigne un bois en "dévers" tombant sur la route D4 menant à Ganges ; le dénivelé est de 200 m en 1 km. Il se trouve, au nord du tènement, l'Aven des Combelles, signalé par la carte de l'IGN, et deux dépressions allongées, s'introduisant dans le tènement ; une autre "combe"
constitue la limite du tènement, au sud. T1 et T3 ont attesté, sans en préciser le nombre, la présence de "plusieurs petites combes" sur ce tènement.
La Combe (S°AR) est une "vallée", un lieu bas, plat, de plantations, et au sud du tènement se trouve une source captée. A l'ouest, le tènement est dominé par le dévers du Travers de Moustache, d'un dénivelé de 90 m (200 m à 110 m) ; à l'est, il est dominé par Le Piochet, qui culmine à 141 m, et dont le dénivelé est de 30 m sur La Combe.
Les Combes (S°AK) se situe au sud de Toutes Aures (226 m pour le point culminant). Ce tènement est dominé à l'ouest par Ternisson (232 m d'altitude), et à l'est par un monticule de 185 m d'altitude. Les Combes est donc un tènement encaissé entre 4 élévations (la pointe ouest du tènement Les Resclauzes le bordant au sud). Cette "dépression" est à une altitude de 80 m inférieure aux
tènements alentours, et les dévers circonvoisins sont constitués de nombreux talus.
Les Combes (S°AV) désigne pour T3 "la plus grande combe de la commune, montant sur l'Hérault", ce qui implique que pour ce témoin le sémantisme référentiel de "combe" opère en interférence avec celui de "travers". Ce tènement couvre, pour sa majeure partie, "le fond d'une combe". A l'ouest, le tènement est de 126 m d'altitude, et d'un dénivelé de 70 m ; à l'est, il se trouve un monticule culminant à 196 m.
Combe de Verdier (S°AW) est un tènement en "dévers", situé à l'ouest du hameau de Verdier, correspondant à la "partie nord d'une combe". Au nord-est, le dénivelé est de 40 m. Cette combe est de petite superficie, et elle est peu encaissée, elle est donc moins caractéristique que la plupart des combes brissagoles.
Combe Louvière (S°AK), situé à l'est de Toutes Aures, est un petit tènement (maintenu cependant par le CR) où est attestée une "combe", au fond de laquelle passe la Font de Dère. Le dénivelé de cette combe est de 30 m ; à l'est du tènement, on peut remarquer la présence de murets et de faisses, vestiges et témoins de l'exploitation antérieure du lieu.
La Combette (S°AV, nommé Les Combettes, S°C, dans le CN) est un tènement allongé, suivant les courbes de niveaux du "dévers" du Bouyssou tombant sur La Barraque, où passent un ru et la route appelée La Rampe de la Cardonille. Le dénivelé est de 70 m en 200 m par rapport à ce tènement situé à l'est, et de 130 m par rapport au Bouyssou, situé au sud. La Combette est donc une "dépression encaissée".
Les Combes (R ; S°AR) désigne une "dépression" entre deux versants, d'un dénivelé de 60 m, au sud d'Aubanel. Ce tènement est pour sa majeure partie un lieu bas et plat, situé à l'ouest du tènement nommé Bords d'Hérault.
Combe de Muset (R ; S°AP), où passe un ru, désigne le "dévers" de La Roqueyole tombant sur la ferme appelée La Croix, dévers dont le dénivelé est de 50 m sur le tènement.
Sur la carte de l'IGN, Combe Pluvieuse désigne une "dépression très encaissée", entre Le Devois de la Vernède et Le Bois de Causse, le dénivelé étant de 146 m à l'est.

• Pour l'ensemble de notre corpus (5 zones), nous remarquons que la majorité des localisations cadastrales des tènements s'éloignent de l'adéquation référentielle des "combes" dans la mesure où les tènements, pour 13 occurrences de notre corpus (sur un total de 38), couvrent seulement "l'un des deux versants" constituant la "combe".
• Ces dénominations correspondent alors à celles de "dévers", de dénivelés plus ou moins abrupts, et auraient pu exploiter le référent "travers". La sélection lexicale en faveur de combe se justifie dans la mesure où ces dévers constituent l'un des deux versants de dépressions, plus ou moins encaissées. Le descriptif du tènement correspond à une "dépression", un "ravin", pour 11 occurrences de notre corpus. Le sens de "vallée", correspondant à une "dépression" d'assez vaste superficie pour un lieu plus bas que les tènements environnants, est justifié pour 9 occurrences de notre corpus. La désignation Combe... peut donc renvoyer à ces trois types de descriptifs qui brossent une réalité quelque peu différente sur le terrain.

• Nous n'avons relevé, pour l'ensemble de ce corpus, que deux exceptions concernant des tènements où aucune combe n'est attestée, dont l'une à Brissac, pour laquelle la dénomination découle du nom du mas.

• 2 : Fonctionnement descriptif de la série Combe :

• La série Grand Combe, Combe, Combes, Combelles, Combette, Combettes offre un type d'accumulation fort complexe, et est un rare exemple de cette multiplication du système des oppositions dans le CN. Les mutations des noms de tènements offrent cependant encore un type d'opposition quaternaire dans le CR.

La Grand Combe (CN, S°D) désignait un tènement de 8 ha 75, et le dénivelé de cette dépression est de 120 m, du nord-est au sud-ouest.
La Combe (CN, S°I) correspondait au nom du mas et des terres environnantes constituant un petit tènement d'1 ha 12 ares 20 m². Dès l'époque napoléonienne, ce petit tènement est intégré au Hameau de la Combe d'une superficie totale de 19 ha 70 m², où aucune dépression n'est attestée.
Combe de Coulet (CN, S°D) désignait un tènement en dévers, et non une combe, d'un dénivelé de 50 m, et d'une superficie restreinte de 2 ha 25.
La Combe (S°F, S°AR) était un tènement, sur lequel étaient attestés des jardins et une plage en bordure de l'Hérault, d'une superficie de 14 ha 68 ares 90 m². Ce tènement était de forme très allongée, de 250 m de large (en bordure de l'Hérault) pour 700 m de long. Sur le plan du CR, ce tènement a conservé cette forme allongée, mais il a perdu les parcelles des rivages de l'Hérault. Il n'est maintenant plus que d'une superficie de 8 ha 75, et il désigne une dépression de 60 m de dénivelé, qui n'est pas de forme circulaire.
Les Combes (S°A, S°AK) est un tènement de 12 ha 50, situé au sud du Puech ; il désigne une dépression allongée, située à une altitude de 80 m inférieure à celle des tènements environnants.
Les Combes (S°C, S°AV) est un tènement de 9 ha 37, désignant un dévers arrondi descendant sur Valboissière. T3 a attesté que c'est "la plus grande". Ce tènement couvre, à l'ouest un dévers d'un dénivelé de 70 m, et, pour sa majeure partie, le fond d'une combe. C'est sans doute cette caractéristique qui permet de justifier le descriptif de T3.
Combe de Verdier (S°D, S°AW) est d'un faible dénivelé (de 40 m) à l'ouest du Hameau de Verdier. Les limites du tènement ont été légèrement modifiées, mais sa superficie reste à peu près identique, d'une quinzaine d'hectares.
Les Combelles (S°A, S°AI) est un tènement boisé, au nord du hameau de Brissac-le-Bas, sur lequel T1 et T3 attestent la présence de plusieurs "petites combes". Le dénivelé de ce tènement est de 200 m en 1 km ; deux "combes" sont attestées au nord, et une autre, au sud, correspond à la limite du tènement. Ces "combes" sont d'un dénivelé moyen de 10 m. La forme suffixée et plurielle est donc justifiée par l'adéquation référentielle offerte par ces combes, et le suffixe diminutif n'est pas descriptif de la superficie du tènement, de 75 ha.
La Combette (CN, S°D) était situé près du Hameau de Verdier, maintenant nommé Mas de Verdier. Il s'agissait d'un tout petit tènement, d'une superficie de 4 ha 28 ares 20 m² ; de plus son dénivelé (10 m) était très faible.
Les Combettes (CN, S°C) à été rebaptisé La Combette (CR, S°AV) ; ce tènement offre un dénivelé de 70 m en 200 m, et sa superficie, qui était de 3 ha à l'époque napoléonienne, est nettement plus vaste de nos jours (15 ha).

Les Combes (S°AR) est un renouvellement de la dénomination cadastrale du XXe siècle. Ce tènement de 9 ha 75 est pour sa majeure partie un lieu bas et plat ; son dénivelé par rapport à Serre des Cades et Plaine d'Aubanel, à l'ouest, est de 60 m.
Combe de Muset est un renouvellement dénominatif (S°AP) désignant un dévers de 50 m de dénivelé ; la superficie du tènement est de 7 ha.

• Cette série Combe nous a bien sûr conduite à nous interroger sur la valeur de la qualification adjectivale et de la suffixation : La Grand Combe (8 ha, dénivelé de 120 m), Combe(s) (de 9 à 19 ha, dénivelés de 40 m à 70 m), Les Combelles (75 ha, dénivelé de 200 m), La Combette (4 ha 28, dénivelé de 10 m), Les Combettes (3 ha, dénivelé de 70 m).
• L'adéquation peut être justifiée, mais en fonction de deux caractéristiques différentes : La Grand Combe n'est pas le plus vaste tènement, mais celui dont le dénivelé est le plus abrupt ; Les Combettes n'offre pas un faible dénivelé, mais désignait le plus petit tènement de la commune exploitant cette série référentielle. En conséquence, ce système fort complexe, qui, à première vue, semble fonctionner en distorsion référentielle, possède au contraire une valeur descriptive. Ce respect de l'adéquation référentielle, même si elle doit être restituée à partir de deux caractéristiques divergentes, est d'autant plus remarquable que la commune de Brissac est de vaste superficie (4413 ha). En conséquence, malgré la complexité de cette série d'oppositions, l'adéquation est respectée, en vertu de référents divers, tels la surface ou le dénivelé.

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