Promouvoir la garrigue ?
Auteur : Françoise Kouchner, John Walsh
Date : novembre 2013
En dehors des grands sites patrimoniaux dont la réputation n'est plus à faire, le territoire recèle un potentiel d'attractivité et d'accueil important. De grands axes (autoroutes, TGV) longent le territoire, permettant d'y venir de loin... Mais a-t-on des arguments pour convaincre les touristes de faire un détour en garrigues ? Oui, les garrigues abritent un riche patrimoine naturel et historique, grandiose et intime, des espaces sauvages et accessibles, le climat est chaud mais n'impose pas les pré- cautions du temps montagnard... Comment exprimer, faire connaître et reconnaître ces richesses ?
Une demande difficile à évaluer
La demande spontanée semble modeste, mais on peut penser qu'elle n'est que timide dans son expression. Les garrigues peuvent parfois nécessiter un accompagnement pour les découvrir mais on est vite séduit. Pour preuve : la facilité de convaincre un visiteur après à peine deux heures de balade guidée. Les pratiques touristiques se renouvelant, il n'est pas toujours aisé d'évaluer la demande. Par exemple, combien de touristes louent-ils de belles maisons d'habitants des garrigues pendant que ces derniers sont eux-même en vacances ? De même, la demande locale des résidents du territoire ou des villes voisines s'avère de plus en plus importante surtout pour des séjours et des animations à la journée, ou sur les week-ends.Une offre originale à inventer et organiser
Concernant l'hébergement, nombreux sont ceux qui pensent que le territoire est sous-équipé et qu'il y aurait un potentiel pour l'investissement en hôtellerie en dur et de plein air. Comment faire correspondre cette offre à une demande qui évolue, à des publics variés (tant au niveau de leur provenance, locale ou lointaine, que de leur budget) ? La saison des hôtels, chambres et gîtes est plus longue que celle des campings, à condition d'être opérationnel en mi-saison et réactif à des réservations de dernière minute. Et, dans la première région française d'hôtellerie de plein air, il y a peut-être encore des services à inventer. Faut-il une "Mission Racine" (1) pour organiser et amplifier l'offre d'hébergement, tout en respectant les exigences actuelles de préservation de l'agriculture et de la qualité paysagère du territoire ? Concernant les autres services en direction des visiteurs, les possibilités semblent illimitées dans les thématiques (culture, sports...), mais parfois contraintes par l'économie de loisirs : la qualité et la rémunération des prestataires, la disponibilité des "clients"... À partir des grands pôles d'attraction du territoire, on pourrait imaginer de multiplier les offres, diversifiant les destinations et les thématiques.Une gestion de la multifonctionnalité du territoire
Attirer les différents publics est une chose, les gérer en est une autre. La cohabitation entre les différents usagers des garrigues (touristes, excursionnistes, locaux, pratiquants d'activités très diverses, etc.) est un enjeu important. Ce territoire est à la fois un lieu vivant (économiquement, culturellement) et un cadre de vie pour ces résidents, un espace de loisir et de découverte pour le quotidien comme pour les vacances. Mais quel est le nombre de pratiquants de chaque activité ? Et, pour chaque activité, quel est l'espace occupé (au moins temporairement) ? Il est très hasardeux aujourd'hui de chiffrer le nombre de familles qui improvisent une sortie de week-end. Et si on commence à bien évaluer la gène que différents pratiquants peuvent ressentir sur les mêmes espaces, il faudra plus de vigilance pour mesurer les impacts des activités sur la faune et la flore ou sur le patrimoine historique. L'activité associative, importante sur le territoire, constitue des lieux de structures-ressources, des relais de connaissance et de surveillance des sites, qui peuvent alimenter le débat public et favoriser l'organisation. Les organismes de l'État et des collectivités ont de l'expérience et de l'expertise dans les questions de l'aménagement et de la gestion des espaces. Dans ce contexte, il ne paraît pas impossible de préserver les paysages et de développer l'accès à la nature : à chaque question son échelle de réponse, à moins que l'on considère que l'échelle du territoire des garrigues est la plus adaptée pour accompagner de nouveaux usages.Un potentiel touristique en phase avec les priorités des départements
Les garrigues peuvent s'inscrire dans les stratégies touristiques suivies par les départements. L'Hérault a défini ses trois priorités : une politique de sites majeurs, les loisirs de nature, l'œnotourisme, autant de thématiques qui peuvent valoriser les garrigues héraultaises. Les garrigues gardoises paraissent également en phase avec leur département : un capital d'agrotourisme et d'œnotourisme, plusieurs villages reconnus comme “villages de caractère“ (Lussan, Vézénobres, Barjac, Goudargues...), un grand site à la notoriété internationale, une forte cohérence avec l'objectif Gard pleine nature et écotourisme.Des projets de territoires différents et en devenir
Des atouts touristiques ne font pas une politique touristique, qui renvoie à des projets de territoire. On retrouve là le questionnement sur l'identité des garrigues, la diversité des territoires, la divergence des dynamiques en œuvre. À poids démographique comparable (48 communes, environ 50 000 habitants), peut-on évoquer des enjeux touristiques partageables entre le Pays Uzège-Pont du Gard et le Grand Pic Saint-Loup montpelliérain ? L'un polarisé entre plusieurs agglomérations plus ou moins proches (Avignon, Nîmes, Bagnols-sur-Cèze, Alès), l'autre porté par la dynamique périurbaine de l'agglomération montpelliéraine. Néanmoins, ces deux entités attirent divers publics avec des arguments similaires sinon au moins compatibles. Développer le tourisme sans dénaturer les espaces et sans défavoriser les loisirs de la population sur le territoire (2) est possible, mais les questions sont multiples et requièrent débat et coordination.(1). "Mission Racine" est l'expression la plus communément employée pour désigner la "Mission interministérielle pour l'aménagement du littoral du Languedoc-Roussillon", présidée par Pierre Racine (qui fut également co-fondateur de l'ENA et conseiller d'État). En 20 ans d'activité au total (de 1963 à 1983), une équipe de 17 personnes, avec un appui politique important, a coordonné la création d'un plan d'urbanisme du littoral régional, la construction de 5 villes nouvelles et la protection concomitante de nombreux espaces naturels.
(2). 350 000 habitants environ, sans compter celle des les trois "villes-portes" : Alès, Montpellier et Nîmes.
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