Les milieux fermés, paysages originels ou totalement modernes
Auteur : Jean-Paul Salasse
Date : novembre 2013
Même si la forêt était le paysage naturel de la majorité des espaces méditerranéens si l’Homme n’était pas intervenu, tous les ensembles forestiers que l’on observe aujourd’hui sont loin d’être synonymes d’une absence d’exploitation.
Les chênes, vert ou pubescent, forment l’essentiel des quelques futaies qui subsistent, soit pour des raisons d’accessibilité, soit pour des raisons foncières quand, au cours des siècles, les propriétaires n’ont pas engagé de travaux de coupes de bois ou de défrichement.
Le Chêne vert reste dominant dans les stations les plus arides et les plus rocailleuses, mais dès que le sol s’épaissit (dans les combes ou les cuvettes où, de plus, la fraîcheur augmente), ou qu’un suintement existe, le Chêne pubescent (Chêne blanc) prend le dessus.
Sous ces futaies de 10 à 15 mètres de hauteur, au sous-bois sombre et relativement peu encombré, la vie sauvage est au rendez-vous : tapis de Géranium sanguin (Geranium sanguineum), d’orchidées sciaphiles* (Céphalanthère rose Cephalanthera rubra, Épipactis à petites feuilles Epipactis microphylla), de Mélitte à feuilles de Mélisse, élégantes ondulations des touffes de Mélique à une fleur (Melica uniflora), sous-bois de Coronilles, de Cytises et de Fragon, mais aussi forts peuplements d’insectes des bois morts (Lucane, Capricorne...). Ce sont des milieux rares, donc précieux, qu’il convient de conserver impérativement pour la complexité de leur fonctionnement écologique. À leur périphérie, des “ourlets” de cistes ou de cornouillers font la transition avec les garrigues voisines.
Le plus souvent cependant, le Chêne vert se présente sous forme de taillis *. Ceux-ci, issus des dernières coupes de bois (années 1958/1962), offrent un grand nombre de brins résultant du recépage, culminent à 4/5 mètres de hauteur et les guirlandes de Salsepareille et de clématites les rendent impénétrables. Le sous-bois, ombre et bois mort, est pauvre.
À la suite de la déprise agricole des zones de garrigues, l’idée d’y effectuer de larges reboisements a germé dans la réflexion de nombreux responsables. Entre 1965 et 1985 notamment, de vastes zones de garrigues ont été plantées avec des résineux présumés adaptés (Pin de l’Eldar, Pin parasol, Cyprès de l’Arizona, Cèdre de l’Atlas...). Le but était de cicatriser les paysages.
Aujourd’hui, ces forêts arrivent à maturité. Ces nouveaux arbres propagent des graines dont certaines, si elle tombent sur des sols éclairés aux roches pas trop dures, germent et augmentent encore les surfaces forestières. En sous-bois, généralement très sombre à cause de la densité des plantations, des arbres autochtones réapparaissent, venus par des moyens naturels (dissémination par les oiseaux, rongeurs ou autres mammifères) et laissent espérer, sur certains secteurs, un retour aux origines de la forêt feuillue.
Originaire en partie des plantations forestières, mais aussi de plantations ornementales privées, le Pin d’Alep, favorisé par les incendies, la déprise agricole, les friches périurbaines, gagne de vastes secteurs de garrigue. De loin, il donne donc l’impression de constituer de larges zones forestières, mais les milieux qu’il crée, à sous-bois éclairés et très envahis d’arbustes à fort risque de combustibilité (Romarin, Laurier-tin), sont assez proches de la garrigue fermée qui les précède dans le temps.
Une autre formation forestière existe sur le territoire, aux bords des ruisseaux temporaires. Il s’agit des ripisylves *, modestes dans leur épaisseur, mais fort originales. Les arbres à feuillage caduc (l’humidité proche, même si elle est invisible en surface, évite à la végétation de ne compter que sur l’eau hivernale) dominent (Frêne à feuilles étroites, Peupliers noir et blanc, Érable de Montpellier) et sont accompagnés d’un cortège varié, mais composé d’espèces moins méditerranéennes que sur les secteurs arides.
De manière générale, l’évolution actuelle de la garrigue vers des stades forestiers favorise des cortèges d’espèces médio-européens. Ce phénomène est particulièrement visible sur des groupes d’animaux mobiles comme celui des oiseaux (développement des populations de Pinsons des arbres ou de Rouge-gorges par exemple).
Le Pin de Salzmann
Une forêt naturelle de très grande originalité existe au pays des garrigues. Le Pin de Salzmann, sous-espèce du Pin noir (Pinus nigra) forme des ensembles importants (Saint-Guilhem-le-Désert) ou des stations isolées originales (Gagnières, Col d’Uglas), malheureusement menacés par les hybridations avec le Pin noir d’Autriche, largement utilisé depuis la deuxième moitié du XIX e siècle dans les travaux de restauration des sols érodés. Le Pin de Salzmann, fort élégant dans son habitat naturel * de rochers et de pentes fortes, est accompagné de nombreuses espèces végétales et animales (des insectes spécifiques notamment) de grand intérêt.
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