Auteur : Michel Desbordes d'après l'Agence de l'Eau Rhône-Méditerranée-Corse
Date : novembre 2013
Les directives européennes de 2000 et 2008 ont impulsé un important travail d’inventaire de l’ensemble des masses d’eau du territoire national ainsi que la rationalisation et l’extension des réseaux de surveillance de leur qualité.
Si l’on dispose aujourd’hui d’une importante documentation concernant la qualité des eaux superficielles du territoire des garrigues, celle relative à la qualité de ses eaux souterraines est encore limitée et associée, principalement, aux récentes investigations concernant les captages “prioritaires” pour l’alimentation en eau potable.
Les eaux superficielles
Par grands bassins hydrologiques, on peut proposer la synthèse suivante :
- Le bassin des Gardons : la qualité hydrobiologique des eaux superficielles du bassin gardois des Gardons, dont une partie significative est située sur le territoire des garrigues, est bonne à moyenne, se dégradant d’une manière générale de l’amont vers l’aval. En raison du fond géochimique des Cévennes et des exploitations minières anciennes, on constate localement des concentrations significatives en éléments toxiques (nickel, antimoine, plomb, arsenic, etc.) notamment sur certains affluents comme l’Avène. De même, le bassin présente un état de pollution généralisée par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Dans les secteurs peu anthropisés de l’amont, cette pollution peut résulter des feux de forêt ou des schistes houillers. En zone urbanisée, à l’aval d’Anduze et d’Alès, cette pollution est d’origine anthropique * (infrastructures routières et combustions diverses). De même a-t-on constaté en 2008 une pollution par les polychlorobiphényles (PCB) de la chair des poissons de l’Avène et du gardon d’Alès et des sédiments de l’Avène. La pollution par les PCB est une pollution historique des années 1950-1970. Aucun établissement du bassin n’en rejette aujourd’hui et la pollution constatée pourrait provenir de l’enfouissement “sauvage” de transformateurs dans d’anciennes galeries de mine !... En ce qui concerne les pollutions par les produits phytosanitaires utilisés principalement en agriculture mais également dans des opérations de désherbage le long d’infrastructures routières ou ferroviaires, le risque de contamination par les pesticides et herbicides devient fort sur l’aval du Gardon d’Anduze, la Gardonnenque et le bas Gardon. Par ailleurs, la plupart des cours d’eau du bassin montre une tendance à l’eutrophisation*, conséquence certes des nutriments (azote,phosphore) résultant des rejets anthropiques, mais également des étiages* très bas d’été et d’une hydromorphologie localement défavorable, conséquence des extractions anciennes de matériaux fluviatiles. Au demeurant, des programmes de reconquête de la qualité des cours d’eau du bassin sont en cours et, d’une manière générale, cette qualité semble s’être améliorée au cours des dernières années.
- Le bassin de l’Hérault. Sur la partie gardoise du bassin, sur le territoire des garrigues la qualité hydrobiologique des eaux superficielles du bassin varie de très bonne à bonne. Localement apparaissent certains problèmes de rejets anthropiques, et en particulier de stations d’épuration (Arre à l’aval du Vigan). La présence de métaux lourds (zinc, plomb, cadmium) sur certains affluents comme la Vis est la conséquence de l’exploitation de mines anciennes. Des pollutions modestes par des produits phytosanitaires sont également notées. Dans sa partie héraultaise, le fleuve coule principalement dans des gorges au milieu d’un environnement peu anthropisé le préservant des pollutions agricoles, industrielles ou urbaines. Ses affluents principaux, la Buèges en rive droite et le Lamalou en rive gauche le rejoignent au niveau du barrage de Moulin Bertrand (Coopérative d’électricité de Saint-Martin-de-Londres) dont le potentiel de décantation est très élevé. Sur ce parcours, les eaux sont de bonne, voire très bonne qualité.
- Le bassin du Vidourle. La lutte contre les inondations (“vidourlades”) est l’une des priorités. Trois barrages écrêteurs de crue ont ainsi été créés sur le fleuve et ses affluents dans les années 1970-1980 (Conqueyrac, Ceyrac et La Rouvière). Un classement en zone Natura 2000 pour l’ensemble du bassin est actuellement à l’étude. D’une manière générale, la qualité hydrobiologique des eaux varie de très bonne à bonne vers l’aval. Dans le haut bassin, entre Saint-Hippolyte-du-Fort et Sauve, le Vidourle subit une très importante perte karstique. La qualité du Vidourle peut être localement dégradée, notamment à l’aval de Sauve ou de Quissac ainsi que dans son cours inférieur après Marsillargues.
- Les cours d’eau relevant du bassin de l’étang de l’Or . L’étang de l’Or reçoit de nombreux petits fleuves côtiers qui prennent naissance sur le territoire des garrigues. Les plus significatifs sont le Salaison, la Cadoule, le Bérange, la Viredonne et le Dardaillon. Ces cours d’eau ont globalement un fonctionne- ment temporaire dans leurs parties amont, sur le territoire des garrigues. Ils sont, par ailleurs, fortement anthropisés dans leurs tronçons aval à la traversée de la plaine agricole et des zones urbanisées, en dehors du territoire. Sur ce dernier, la qualité des eaux des cours d’eau, quand elles sont présentes, est généralement médiocre et se dégrade vers l’aval. L’étang de l’Or ayant été classé zone sensible à l’eutrophisation par arrêté du 23 novembre 1994, ces petits fleuves, dont l’étang constitue l’exutoire, sont sous surveillance au regard des activités agricoles et de l’urbanisation des villages de leur bassin versant.
- Le Lez et la Mosson. Le Lez, petit fleuve côtier, traversant Montpellier, est issu d’une source karstique située dans le territoire des garrigues. Celle-ci constitue la principale ressource en eau potable de la ville. Si le karst * du Lez connaît des pollutions par des pesticides ou des rejets d’assainissement, le fleuve, sur le territoire des garrigues présente une qualité jugée bonne à très bonne suivant les divers indicateurs. La Mosson est un affluent du Lez, même si elle présente un exutoire partiel dans l’étang d’Arnel. Elle est alimentée par le karst d’Aumelas et divers oueds comme le Coulazou. La qualité des eaux de la Mosson est jugée globalement médiocre en raison de pollutions d’origine anthropique liées aux rejets de systèmes d’assainissement.
Les eaux souterraines
Les données actuelles sont très incomplètes. Une étude de synthèse réalisée sur le bassin gardois du Gardon atteste d’une bonne qualité actuelle des eaux des formations souterraines et des nappes alluviales, mais pointe du doigt les risques de pollutions agricoles et domestiques dans certains secteurs qui font
aujourd’hui l’objet de programmes d’amélioration, notamment dans les secteurs de captage pour l’eau potable.
Sur le territoire du Schéma de Cohérence Territoriale (SCOT) du Pic Saint-Loup – Haute vallée de l’Hérault, deux des quatre masses d’eau souterraines présentes ont fait l’objet d’un suivi qualitatif :
- le système des Cents Fonts (Causse-de- la-Selle), dans les calcaires jurassiques, présente des eaux de bonne qualité ;
- le système du Lez de l’aquifère * calcaire nord montpelliérain est affecté par deux altérations : les pesticides et les microorganismes. Les pesticides sont d’origine anthropique et résultent des activités agricoles. Les microorganismes, même s’ils sont présents à l’état naturel dans les cours d’eau, peuvent aussi témoigner de contaminations anthropiques (systèmes d’assainissement défectueux, voire rejets “sauvages”).
L’extrémité occidentale des garrigues montpelliéraines est drainée vers l’étang de Thau par des sources karstiques temporaires (source de la Vène) et pérennes (Issanka, Cauvy), et par la source sous-marine de la Vise, associée aux sources thermales de Balaruc- les-Bains. Le chaînon littoral de la Gardiole est également drainé vers l’étang de Thau par la source d’Ambressac, ou de l’Inversac, et par la source de la roubine de Vic, au sud. Dans tout ce secteur les eaux sont plus ou moins soumises à des mélanges, soit avec l’eau de mer, soit avec les eaux thermales.
Les aquifères karstiques du territoire des garrigues sont très sensibles aux risques de pollutions en raison de leur perméabilité localement forte et des vitesses élevées de transfert dans les conduits majeurs du karst. Ces masses d’eau souterraine peuvent avoir, par ailleurs, des interconnexions fonctionnelles avec les cours d’eau qui conditionnent alors la qualité des eaux superficielles.
La qualité des eaux du territoire des garrigues apparaît donc contrastée. Pour les eaux superficielles, de très bonne à bonne dans les parties les plus en amont, elle se dégrade vers l’aval, conséquence de l’agriculture et de l’urbanisation. Localement, diverses pollutions organiques (systèmes d’assainissement) ou métalliques (fond géochimique et sites miniers anciens) peuvent mettre en question certains usages.
Les changements climatiques annoncés pourraient avoir une incidence importante sur la qualité des eaux superficielles en raison de la réduction des débits moyens d’écoulement que ces changements pourraient entraîner. Pour les eaux souterraines, les masses d’eau, qui constituent une réserve importante, doivent faire l’objet d’un inventaire approfondi et d’une attention particulière compte tenu de leur vulnérabilité au regard des pollutions anthropiques, agricoles ou urbaines, et de leur intérêt majeur pour l’alimentation en eau potable.
Le maintien d’un “bon état biologique” tel que précisé par la Directive Cadre Européenne de 2000 ne pourra être atteint qu’au prix d’un plan d’amélioration significative de l’ensemble des masses d’eau du territoire des garrigues.
Le SAGE de l'Hérault
Le Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) du fleuve Hérault est un document de planification de la politique de l’eau du bassin versant du fleuve dont une partie se situe sur le territoire des garrigues. Sa mise en œuvre est assurée par le Syndicat Mixte du Bassin du Fleuve Hérault (SMBFH), créé en 2010, qui regroupe les départements du Gard et de l’Hérault et 8 structures inter- communales.
Le SAGE vise à une gestion globale et cohérente des ressources en eau conciliant les divers usages et la sauvegarde des milieux et de la biodiversité. Il constitue un relais entre les politiques de l’eau et l’aménagement du territoire. Il a une portée réglementaire forte : ainsi, les documents d’urbanisme des collectivités territoriales (SCOT, PLU) et les décisions administratives relatives à l’eau doivent lui être compatibles.
Le SAGE comprend deux parties distinctes et complémentaires. D’une part, le Plan d’Aménagement et de Gestion Durable (PAGD) de la ressource et des milieux aquatiques expose la stratégie retenue et les objectifs, déclinés en actions, prescriptions et recommandations.
Pour le SAGE Hérault, les quatre grandes orientations retenues sont :
1. mettre en œuvre une gestion quantitative durable de la ressource ;
2. maintenir ou restaurer la qualité de la ressource ;
3. limiter et mieux gérer le risque d’inondation ;
4. développer l’action concertée et l’information.
D’autre part, le règlement du SAGE regroupe les prescriptions réglementaires adaptées au contexte du bassin et guidées par une gestion équilibrée de la ressource et des milieux.
La gouvernance du SAGE est assurée par la Commission Locale de l’Eau (CLE) qui regroupe des représentants de 3 collèges : collectivités
territoriales (majoritaires), usagers de l’eau et services de l’État. Comprenant 56 membres, elle est épaulée par un Comité technique composé de représentants des Conseils Généraux de l’Hérault et du Gard, de l’État (MISE et DREAL) et de l’Agence de l’Eau Rhône-Méditerranée-Corse.
Et demain ?...
Le territoire des garrigues, exposé au climat méditerranéen et comprenant des sols souvent très perméables, est doté de ressources superficielles limitées et irrégulières dans le temps et l’espace. Ces ressources pourraient connaître des diminutions significatives si les prévisions des modèles de changement climatique devaient se révéler exactes. Il comprend, cependant, des ressources souterraines, en particulier karstiques, probablement localement abondantes, mais encore assez mal connues, à l’exception de quelques aquifères suivis depuis parfois de nombreuses années (aquifère du Lez). Ces ressources d’excellente qualité, mais vulnérables aux pollutions de toute nature devraient faire l’objet d’une évaluation plus précise et d’éventuelles mesures de protection, car elles constituent une richesse essentielle. En particulier, certaines activités, comme l’extraction des gaz de schiste, dont certains programmes concernent le territoire (demande d'autorisation 2011), pourraient être de nature, en cas d’incident de forage, à condamner l’utilisation future de cette richesse.
D’ores et déjà, certains secteurs du territoire des garrigues sont considérés comme devant présenter des ressources insuffisantes par rapport aux besoins agricoles et domestiques supposés à l’horizon 2015. Ainsi, dans le projet Aqua Domitia de transfert des eaux du Rhône, le maillon nord Montpellier du projet envisage de conduire ces eaux dans les secteurs du Pic Saint-Loup, de l’Hortus et de Garrigues et Campagne. Le recours à des pratiques anciennes de stockage des eaux de pluie et de ruissellement pourrait, peut-être, ainsi, devenir pertinent pour des projets très localisés et d’ampleur limitée.