Auteur : Claire Lecoeuvre, Robert Sauzet
Date : novembre 2013
La garrigue possède une forte
symbolique religieuse. Elle représente tout d’abord le désert où l’on se retire pour prier, rentrer en résonance avec Dieu. Ainsi plusieurs communautés religieuses (bénédictines dans un premier temps) s’y installent entre le IX e et le X e siècle, époque où va être fondée la célèbre abbaye de Gellone (Saint-Guilhem-le-Désert). Par la suite, différentes abbayes cisterciennes viennent, au cours du XIIe siècle, émailler le territoire comme Valmagne (Villeveyrac), la Chartreuse de la Valbonne etc. L’espace religieux occupe alors une grande place dans l’organisation rurale du territoire des garrigues. La très grande richesse en églises et chapelles romanes, construites essentiellement entre le XI e et le XII e siècle, en témoigne.
La position des garrigues lors de la séparation entre protestants et catholiques s’avère plus complexe. Les garrigues sont généralement vues comme plutôt protestantes. Elles serviront d’ailleurs à en cacher nombre d’entre eux lors des guerres de religion, et ce, tout autant que le “désert” des Cévennes, pourtant plus renommé. Les villes de Nîmes et de Montpellier sont des centres culturels favorables aux idées calvinistes. À partir de ces points d’ancrage le protestantisme se propage dans les garrigues. Il est à noter cependant que le protestantisme se diffuse d'abord plutôt dans des couches aisées et intellectuelles de la société. Très liés au commerce et à l’artisanat, les protestants de la région développent des activités comme la vente de la soie, la viticulture etc.
En 1573, en pleine guerre de religion, se forment les “Provinces de l’Union” ou “Provinces unies du Midi”. Il s’agit là d’une structure confédérale des communautés locales huguenotes du sud de la France. Bien que l’emprise géographique de cette structure soit difficile à localiser précisément, le territoire des garrigues y est inclus. Il constitue même l’un des bastions protestants durant toute cette période de conflits (deuxième moitié du XVI e siècle).
Suite à l’adoption de l’édit de Nantes en 1598 sous le règne de Henri IV, Montpellier, tout comme Nîmes et Uzès acquièrent le statut de places fortes protestantes, un statut qui sera remis en cause sous Louis XIII (siège de Montpellier en 1622). Les querelles intestines qui n’ont eu de cesse d’opposer protestants et catholiques ont usé les chefs huguenots de la cité. Au milieu du XVII e siècle Montpellier redevient petit à petit catholique. De là , provient un clivage du territoire des garrigues, car si le diocèse de Montpellier devient à majorité catholique, celui de Nîmes puis celui d’Alès restent eux majoritairement protestants. En témoigne la localisation des révoltes des Camisards au début du XVIII e siècle.
Au XX e siècle encore, cette distinction entre l’est et l’ouest du territoire reste sensible. Le nombre de protestants est plus élevé à l’est d’une ligne Sommières – Saint-Hippolyte-du-Fort qu'à l'ouest de cette ligne.
Certains protestants ayant eu pour habitude à certaines époques de détruire les symboles catholiques, ce sont donc la présence ou l’absence de croix blanches sur les portes, de statues de vierges, de calvaires et autres signes symboliques qui permettent le mieux de tracer cette frontière religieuse.
De la même manière, les limites est du territoire des garrigues correspondent à une limite religieuse. C’est à l’est de Nîmes et d’Uzès que
l’on retrouve les catholiques.
Néanmoins, les contours de cette fracture sont de moins en moins visibles et à l’intérieur de l’ensemble des garrigues se forme une mosaïque d’affinités religieuses non uniforme. Il semble que certaines zones soient restées plus protestantes que d’autres. Les garrigues de Nîmes et la Vaunage par exemple conservent cette caractéristique. Très marqué par cette opposition religieuse, le territoire des garrigues semble aujourd’hui avoir conservé ces deux héritages et les avoir mêlés, formant ainsi une mosaïque particulière d’où ressortent certaines pratiques plus communautaires qu’ailleurs.